Après avoir chanté Piaf à sa façon au cours des dernières années, Martha Wainwright présentait son tout nouvel album Come Home To Mama lors de sa rentrée montréalaise au Corona, lundi soir. Accompagnée de trois nouveaux musiciens, d'une choriste et de son mari Brad Albetta à la basse, elle a proposé en partant pas moins de six chansons du nouveau disque.

Malgré la présence du claviériste Jared Samuel, qui est également de Come Home To Mama, le son électro qui donne des couleurs originales aux nouvelles compositions était très discret.  Il faut dire qu'au parterre en tout cas, la sonorisation de la toute première chanson I Am Sorry manquait de netteté et de précision et qu'on y distinguait difficilement le son des claviers. Par la suite, ça s'est amélioré mais sauf exception - comme la jolie Four Black Sheep -, c'est surtout le son des guitares qui dominait.

Le public du Corona renouait avec plaisir avec cette jeune femme qui a du chien et qui fait parfois penser à une jeune Chrissie Hynde par sa dégaine rock and roll. Mais Martha Wainwright, c'est d'abord une chanteuse en liberté capable de nous faire passer par toute la gamme des émotions et de racheter ainsi quelques faux pas de cette soirée qui par moments prenait des allures de générale.

Malgré son talent indiscutable, Martha a encore sur scène ce petit côté brouillon qui fait partie de l'héritage familial. Mais alors que son frère Rufus a acquis avec les ans une rigueur et un professionnalisme qui n'éteignent pas sa spontanéité, Martha perd un peu de l'ascendant qu'elle a sur son public en s'égarant dans toutes sortes de distractions.

Quand elle dit qu'en ce début de tournée ses musiciens ne sont pas encore très familiers avec les chansons, on met ça sur le compte de l'autodérision qu'elle pratique fréquemment et qui lui fera dire qu'elle prend une guitare électrique uniquement pour le look parce qu'elle ne sait pas vraiment en jouer. Mais, c'est un fait, la plupart des nouvelles chansons sont jouées mollement et n'ont pas l'impact qu'on leur connaît sur disque.

On aime l'humour iconoclaste de Martha qui parle de ses chansons «déprimantes» sur le thème de la fin du monde, mais il arrive aussi qu'on en perde des bouts quand elle parle à côté du micro comme si elle causait en aparté à un musicien ou à un spectateur collé sur la scène. On applaudit chaudement quand elle s'éclate jusqu'à en crier pendant Ball and Chain et qu'elle s'investit corps et âme dans Soudain une vallée de Piaf. On est séduit quand elle chante sobrement Dans le silence des soeurs McGarrigle accompagnée au piano par sa tante Anna puis s'approprie Proserpina, la dernière chanson de sa mère, avec un choeur de trois musiciens.

On sourit même quand elle bafouille légèrement pendant Bye Bye Blackbird et on se dit qu'elle a les moyens de s'attaquer aux standards de la chanson américaine. Mais, au rappel, le charme est carrément rompu quand après un trou de mémoire pendant Stormy Weather, plutôt que de se ressaisir, elle se met à cabotiner avant de s'accrocher à sa voix pour éviter le naufrage.

Le public lui réclame un deuxième rappel et les lumières de la salle sont déjà allumées quand elle revient chanter Bloody Mother Fucking Asshole en s'accompagnant à la guitare acoustique. L'espace de quelques minutes, on retrouve la Martha concentrée, intense et bouleversante qu'on voudrait présente d'un bout à l'autre d'un spectacle.

Photo: Alain Décarie, collaboration spéciale