Ce fut un spectacle à l'image du Métropolis, une soirée qui transcende les langues et les genres musicaux - Éric Lapointe qui chante Mon Ange avec Marc Hervieux qui s'époumone à ses côtés -, réunissant des artistes pour une même cause, la Fiducie Denis Blanchette pour la fille du technicien abattu le 4 septembre.

Un spectacle hors normes lancé par l'ultime chanteuse populaire (Céline Dion) et bouclé deux heures et demie plus tard par un groupe anglo (Arcade Fire) qui a fait connaître Montréal d'un autre public partout dans le monde, avec la jeune maman Coeur de Pirate qui se situe quelque part entre les deux. Un spectacle auquel a participé un guitariste et chanteur d'ailleurs (Ben Harper) qui a tellement fréquenté le Métropolis qu'il connaît certains de ses employés par leur prénom. Sa chanson Pleasure and Pain était de circonstances.

Après une minute de silence pendant laquelle n'était éclairée qu'une caisse d'équipement que connaissent trop bien tous les techniciens, la famille et les proches de Denis Blanchette ont vu depuis leur corbeille Céline Dion s'amener pour chanter L'amour existe encore avec son pianiste Mégo.

«Qu'est-ce que je pouvais chanter d'autre?», nous avait-elle dit quelques heures plus tôt dans une interview que vous pourrez lire samedi. Une grande chanson, livrée par une interprète intense, presque fébrile.

La suite, sur un mode principalement acoustique avec ça et là une petite diversion - la guitare électrique du docteur Tellier, acolyte de Dumas - fut riche en musiques de toutes sortes, propices au recueillement ou préférant fermer un chapitre pour regarder vers l'avant, comme l'a dit Louis-Jean Cormier. Le même Cormier qui n'a pas trouvé beaucoup d'écho dans la salle quand il a tenu à rappeler que l'attentat du 4 septembre était politique. Il y avait justement au balcon Pauline Marois et son ministre de la Culture, Maka Kotto, voisins de sièges de Luc Plamondon.

Certains comme Patrick Watson et Sir Pathétik, ami et artiste préféré du disparu, ont chanté des inédites écrites spécialement pour l'occasion: Watson, «une berceuse pour la fille de Denis», et Sir Pathétik, un touchant témoignage musical sur vidéo filmé en studio avec les proches de l'ami Denis.

Parmi les beaux moments, mentionnons justement le bivouac de Watson et sa tribu, Martha Wainwright accompagnée de sa tante Anna qui chante Dans le silence des McGarrigle après avoir présenté sur écran son frère Rufus chantantHallelujah de Leonard Cohen l'été dernier sur la place des Festivals, la très sympathique allocution d'Ian Kelly, frère d'armes des techniciens, et la si pertinente Le monde tourne fort de Vincent Vallières, tout autant que On va s'aimer encore, qu'il a dédiée à la famille de Denis Blanchette.

Ne manquait plus qu'Arcade Fire au grand complet, en formation acoustique. Poignante relecture de My Body is a Cageen marche funèbre doublée d'une finale comme un hymne à la vie. Puis ce fut l'intense Empty Room et Wake up avant laquelle Win Butler a réaffirmé la volonté commune de se réapproprier ce temple de la musique souillé par la violence: «Nous ne sommes pas séparés, nous sommes ensemble.»

Les artistes et André Ménard, architecte de cette soirée, sont venus chanter Wake up avec eux dans ce qui restera probablement la plus belle image de cette soirée digne et émouvante.

Photo: André Pichette, La Presse

Arcade Fire