Une semaine après la sortie de Creep On Creepin' On, quatrième album de Timber Timbre, le trio officiait à sa rentrée printanière - dans le nom, seulement, puisqu'on voyait des flocons tomber en chemin vers le quartier Saint-Henri en ce triste samedi soir... Le Théâtre Corona affichait complet, signe que la chanson typée de Taylor Kirk et ses acolytes a de nombreux adeptes, repartis enchantés par la performance.

Un bon spectacle commence souvent par un judicieux choix de salle. L'automne dernier, à l'invitation de Pop Montréal, Timber Timbre s'était produit à la Fédération Ukrainienne dans des conditions pour le moins inégales. Enfin, selon où on était assis: du fond de la salle, c'était la cacophonie de festivaliers en verve, rendant l'écoute frustrante, et la sono difficile n'aidait pas. Mais un collègue, croisé samedi soir, garde pourtant de bons souvenirs du spectacle, ayant lui été mieux assis que nous.

Tout ça pour dire que le cachet vieillot, classique et enchanteur du Corona était parfait pour les précieuses compositions de Timber Timbre, le public étant quant à lui dans les meilleures dispositions pour les recevoir. On croyait que les places allaient être assises au parterre, mais non, droits comme des pics, les fans ont fait preuve d'une écoute remarquable, n'hésitant pas à donner du «chuuuuuuuut!» aux récalcitrants piailleurs.

Le temps s'arrête

Parce que le silence est d'or dans la musique de Timber Timbre. Quand, pendant la rampante Lay Down in the Tall Grass, jouée vers la fin de la bonne heure qu'a duré le concert (sans compter le rappel), les instruments se taisent pour laisser chanter seul Taylor Kirk, le temps s'arrête et le public retient son souffle. Aucun inconfort dans le blanc, les silences sont écrits sur la partition. D'un trait, la guitare de Kirk venait alors fracasser la quiétude de manière beaucoup plus insistante que sur la version studio, d'ailleurs, version qu'on retrouve sur l'album éponyme de 2009.

Le concert avait commencé à 21 h 30 tapantes. Pour seul décor, une dizaine de projecteurs rouges accrochés bien haut, et trois fanaux, rouges aussi, accrochés négligemment près des musiciens. Ça donnait à la scène l'allure d'une couveuse dégageant de la chaleur sur cette musique occasionnellement glaciale, malgré toute l'émotion que charrie la voix, noyée dans l'écho, du principal auteur-compositeur, Taylor Kirk.

Pour ouvrir la soirée, Bad Ritual du récent album. Le piano qui marque la mesure, joué par Mika Posen, côté jardin; de l'autre côté, le guitariste-multi-instrumentiste Simon Trottier, autant ambianceur qu'accompagnateur, façon Marc Ribot, tiens. Il a d'ailleurs noyé la finale de cette très jolie première chanson dans une tornade d'échos qui assombrissait le climat mélodieux et romantique de Timber Timbre.

Mika Posen a ensuite empoigné son violon pour accompagner la chanson titre du nouvel album - son larmoyant solo a semblé donner l'envol au spectacle, alors qu'elle tenait la note jusqu'après la fin de la chanson pour la fondre dans Too Old to Die Young, aussi du nouvel album. Pendant toute la soirée, le groupe s'est rarement arrêté après chaque chanson, soutenant les notes, emmêlant les codas et les intros, créant un long fleuve musical houleux avec la bonne dizaine de titres offerts.

Plus d'assurance

Visiblement, le groupe a pris du galon et gagné en assurance depuis Pop Montréal. Les interprétations nous ont semblé mieux incarnées, les arrangements plus touffus (mais jamais aussi raffinés que sur disque), ingénieux dans tout le glorieux minimalisme qui les caractérisent - un simple coup de tambour basse articulé par Kirk, ses plaques d'accords de guitare électrique, quelques touches de piano ou de violon, et les atmosphères tissées par Trottier, assis devant ses pédales et ses appareils à boutons.

Le temps passe vite avec Timber Timbre, pourvu qu'on soit tout ouïe à ce qui se déroule sur scène. Le public applaudissait avec enthousiasme chacune de ses favorites comme si on assistait plutôt à un concert rock; la magnifique Black Water a provoqué les frissons, et les premières plaintives notes de Demon Host ont instantanément attiré les sifflements. Peu après, c'est la ballade doo-wop monochrome Lonesome Hunter que Kirk a dédiée à Montréal, pour une de ses rares interventions au micro.

Homme de peu de mots, mais d'une musique belle et qui, sur scène, continue d'embellir tout en se présentant de différente manière que sur disque. Le plus triste de cette soirée, c'est qu'on nous mettait dehors, sous la pluie et la neige, après le rappel.