Pour être franc, nous avions quelques réserves. K-Maro dans le top 40, ça va. Mais sur scène? Comment un prolifique homme d'affaires comme lui, tout populaire chanteur de charme hip-hop soit-il, peut-il trouver son pied à faire de la tournée? Nous n'avons toujours pas de réponse, mais, à n'en point douter, l'exercice avait l'air de lui plaire lors de sa performance enthousiaste devant quelques centaines de fans au National, samedi dernier.

Arrivée sous une pluie battante peu après 21 h. Le rappeur Imposs a déjà commencé sa performance en première partie de K-Maro. Du hall, on entend l'orchestre pomper la rythmique de Billie Jean et la foule réagir à grands cris. Sous l'égide d'Imposs, le National a des airs de hammam: chaud et humide.

Sur scène comme en studio, Imposs met les bouchées doubles. Le rappeur, qui prépare un nouvel album, a inondé YouTube d'enregistrements inédits au courant de l'automne. Collaborations ou cris du coeur en solo, le bosseur acharné s'est constitué un solide corpus qui annonce de belles choses sur disque.

Sur scène, le ton monte, l'orchestre assure. La section rythmique esquisse les quelques rythmes kompa avec tact, faisant de ce concert un énergique crescendo où pop, r'n'b, rap et musique haïtienne jaillissent des haut-parleurs. Évidemment, l'esprit de la «Perle des Antilles» a plané sur la performance, alors que Imposs a rendu hommage à ses racines autant qu'aux Québécois, « généreux comme personne « lorsqu'est venu le temps de soulager les victimes du séisme.

Les moments forts de sa performance sont venus lorsque J.Kyll et Dramatik - les deux autres tiers de Muzion - sont venus le rejoindre pour entonner l'immortelle La vie ti-neg. Puis, en fin de spectacle, Imposs a viré la soirée en carnaval, clin d'oeil si approprié qu'on lui aurait reproché de ne pas avoir souligné que demain sera Mardi gras et jour de liesse un peu partout dans le monde, et surtout dans les Caraïbes.

Le rappeur a donc convié les fans à monter sur scène pour danser sur la démente Sak Te Gen Tan Gen La (Haïti Carnaval 2011), une toute fraîche collaboration entre Imposs et le producteur Poirier. L'enregistrement original pose la voix sur une rythmique soca mécanique typique du producteur, alors que l'orchestre d'Imposs en proposait une version plus ra-ra, moins assommante, tout aussi entraînante.

Le charisme de K-Maro

Après autant de puissance, K-Maro se devait d'assurer. Une vingtaine de minutes plus tard, le rappeur chic a pris possession des planches, entouré de sept solides musiciens. Et oui, il a assuré, lançant le bal avec Let's Go, sur une rythmique dance-house parfaitement reconstituée par l'orchestre.

Il n'est peut-être pas le plus dynamique des performeurs, mais son charisme ne fait pas de doute. En lieu de l'extravagance de la pop star qu'il est devenu (beaucoup en France, et ici en région, apparemment), un flegme, une assurance qui font leur effet. Sa voix est unique: doucement graveleuse, coulante sur les titres plus r'n'b, précise lorsqu'il rappe. Tout ce qu'on entend sur disque, on le retrouve sur scène.

Sa pop grand public n'est pas une révolution, on s'entend là-dessus. Mais le spectacle est offert avec un professionnalisme irréprochable. Et, comparons les pommes avec les pommes, malgré l'absence d'effets de scène, de lasers ou de costumes extravagants, à choisir entre K-Maro et les Black Eyed Peas, je penche pour le premier - sur disque, et encore plus en concert. Un vrai groupe, des rythmes puissants (beaucoup de séquences sur lesquelles le batteur et le bassiste en rajoutent), une ambiance de club tantôt torride, tantôt bon enfant. Convaincant.