La semaine dernière, en  téléchargement gratuit sur iTunes Store, la nouvelle chanson Nulle part d'Émilie Proulx s'est attiré des commentaires particulièrement élogieux, y compris d'auditeurs anglophones: c'est que la mélancolie et le folk de qualité se marient avec bonheur chez Émilie Proulx, et ceux qui ont assisté à son spectacle vendredi soir, au bar In Vivo à Montréal, ont pu apprécier encore plus et mieux cet amalgame.

Interprétant quelques morceaux de son premier mini-album (Dans une ville endormie, 2007), la majorité de ceux de son album La lenteur alentour (2009) et toutes les chansons qui figurent sur son tout nouveau (et excellent) mini-album (Montagnes russes, mini-tsunamis, dont est tirée la fort jolie Nulle part), Émilie Proulx a charmé la salle, y compris avec des reprises plus up tempo et bien choisies (For The Turnstiles de Neil Young et Afraid of Everyone du groupe The National, plus Say Something Now de Stuart Staples qu'elle avait déjà repris sur La lenteur...).

Le charme singulier de la jeune auteure-compositeure-interprète tient notamment à ce qu'elle chante une espèce de tristesse discrète, le désenchantement et l'impression de se noyer dans la grisaille, tout ça avec une voix aérienne et un air sérieux, sourcils froncés derrière ses lunettes et sa guitare, toute concentrée sur l'expression musicale et le poids des mots. Pas de flafla ou de tape-à-l'oeil chez Émilie Proulx, qui, depuis ses débuts, sait décrire comme nulle autre ces espèces de traversées du désert où tout semble flou et vain dans nos vies. Sous la plume de la jeune femme, les volutes de mélancolie montent et se déploient avec quelque chose de quasi voluptueux.

Vendredi, elle se produisait au In Vivo accompagnée par les trois excellents - pour ne pas dire exceptionnels - musiciens avec qui ont collaboré au mini-album Montagnes russes, mini-tsunamis : Benoît Morier (banjo, basse, percussions, etc.), Olaf Gundel (basse, guitare, percussions, etc.) et Geneviève Toupin (claviers, guitare, etc.), tous trois assurant également les harmonies vocales. Résultat : de même que Patrick Watson est à la fois un auteur-compositeur et le nom du groupe qui travaille avec Watson, Émilie Proulx est, avec cette formation, à la fois artiste et membre d'un quatuor particulièrement soudé, en parfaite synergie.

Cette symbiose ajoute une couche de plus à la beauté de l'écriture musicale et poétique de la jeune femme: c'est à quatre qu'ils ont créé cette ambiance sonore, c'est à quatre qu'elle prend donc mieux son envol.

En outre, ce mini-album témoigne d'une évolution subtile dans les thèmes abordés par la blonde Émilie: oui, le spleen contemporain règne toujours, mais il y a bel et bien de petites touches d'espoir qui émaillent désormais son univers. Et comme si cela ne suffisait pas, la présence de ces trois artistes avec Émilie Proulx la font sourire de plaisir quand un passage est particulièrement bien rendu (ce qui est arrivé souvent vendredi), ce qui allège la mélancolie juste assez... pour qu'on l'apprécie encore plus. Enfin, la chanteuse est manifestement capable d'aborder avec autant de justesse des thèmes autres que la tristesse, comme en témoigne éloquemment la chanson Les États, que lui avait commandée la troupe de théâtre L'Opsis pour son cycle américain.

Le mini-album Montagnes russes, mini-tsunamis est actuellement disponible en format numérique (notamment sur iTunes), mais on peut, si on assiste à son spectacle, en acheter une version CD et se faire plaisir en choisissant parmi plusieurs pochettes, toutes plus jolies les unes que les autres.