Ce doit être l'air de Paris. Ces dernières années, plusieurs actrices réputées établies dans la capitale française se sont mises à chanter. On pense bien sûr à Victoria Abril, Maria de Medeiros et Agnès Jaoui, qui présentait jeudi le premier de trois spectacles consécutifs à la Cinquième salle de la Place des Arts.

Comme celui de l'ancienne actrice d'Almodovar, le coeur d'Agnès Jaoui balance entre les univers musicaux lusophones et hispanophones. Ce qui ne l'a pas empêchée d'amorcer sa prestation avec une chanson de Barbara. Un point d'ancrage, un repère, avant d'entreprendre une grande traversée de la nostalgie, sentiment dont l'actrice s'est avouée une «fervente adepte».

Elle a d'abord mis le cap sur l'Angola (Dikanga), puis a butiné un peu partout en Amérique du Sud: une samba écrite par un Cubain, un boléro composé par un Équatorien, un tango argentin, un peu de flamenco et aussi des compositions de Roberto Gonzales Hurtado, l'un de ses six accompagnateurs, qui possède une fort belle voix en plus de savoir faire chanter, danser ou murmurer sa guitare.

Agnès Jaoui a pris soin de jouer les guides de voyage et tenu à préciser le titre et les auteurs de chacune des chansons qu'elle a interprétées. Plus d'une fois, elle a traduit de grands bouts de textes avant de les entonner. Ses multiples interventions, bien que pertinentes et parfois même drôles, l'ont toutefois empêchée d'imposer un rythme à son concert. Le détail a son importance quand l'essentiel du répertoire est constitué de chansons lentes, faites pour envelopper.

Plutôt que de plonger la salle dans la mélancolie, la chanteuse a préféré l'approche décontractée. Sans prétention. Sage précaution, puisqu'elle ne possède pas une grande voix. Sur scène, elle paraît plus à l'aise et dégage plus de force lorsqu'elle évolue dans la partie haute de son registre. Plus elle descend, plus sa voix perd en tonus et semble sur le point de s'étouffer. Agnès Jaoui n'est pas Misia, Mariza ou Lhasa, «amie» à qui elle a dit beaucoup penser, au moment du rappel.

L'artiste française chante pour «partager le plaisir d'être triste», dit-elle. Pour raconter des histoires, a-t-on envie d'ajouter. Et elle ne le fait pas seule. Non seulement est-elle entourée de six musiciens, mais deux d'entre eux, ses guitaristes, l'accompagnent également de leur chant: Antoine «Tato» Garcia et Robert Gonzales Hurtado.

Ces deux musiciens se sont d'ailleurs illustrés dans une rumba catalane qui a sérieusement chauffé la foule au mitan du spectacle. Ce numéro endiablé, qui a d'ailleurs suscité des applaudissements nourris et spontanés, fut le moment le plus tonique d'un spectacle autrement en demi-teinte et bercé par la mélancolie.

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Agnès Jaoui se produit de nouveau ce soir et demain à la Cinquième salle de la Place des Arts.