«Vous aimez briser des trucs? N'importe quelle raison est bonne, hein? Moi aussi je me sens parfois comme ça, je peux comprendre», lançait Axl Rose hier soir au Centre Bell.

C'était sa seule allusion à l'émeute du 8 août 1992 au Stade olympique, lors de son dernier concert à Montréal. Pas vraiment une excuse, mais on ne s'attendait pas à en recevoir non plus.

Rose s'est quand même racheté en offrant un généreux concert de près de trois heures, comme dans les autres villes visitées depuis le début de la tournée.

Fidèle à son habitude, il est arrivé en retard. La veille, on annonçait qu'il monterait sur scène à 22 h 20. On a ensuite devancé l'heure à 21 h 20. Il a finalement commencé à 22 h 20. Alors, que penser d'Axl près de 18 ans plus tard? Et que penser de la nouvelle mouture de Guns N' Roses, sans Slash, Duff McKagan, Izzy Stradlin et les autres membres originaux?

Ce fut loin d'être le fiasco que certains appréhendaient, même si le spectacle n'était pas génial.

Ce n'était toutefois pas à cause d'un manque de moyens. Trois écrans géants et quatre panneaux jonchent la grosse scène et ses trois fourches. Rose, 47 ans, ne ménage pas ses énergies. Dès la première pièce, Chinese Democracy, il gambade partout, vêtu de jeans, chemise blanche rayée, chapeau noir et lunettes fumées et d'un long crucifix. Au total, il changera neuf fois de costume.

Le véritable coup d'envoi est donné avec Welcome to the Jungle. «You know where you are? You're in Montreal. You're gonna diiiiiiiiiieeeeeeeeee», criait-il avec sa voix de sirène rouillée.

Même s'il n'atteint plus certaines notes aigues, la puissance demeure. Il fait aussi encore toutes ses danses - il serpente encore son micro, et il brandit son micro dans les airs en tournoyant comme un hélicoptère.

Il ne manque jamais d'énergie. Évidemment, cela lui fait parfois manquer un tout petit peu de souffle et escamoter quelques mots, mais c'est pour une bonne cause.

Vocalement, il semble plus à l'aise dans la pièce suivante, la bombe It's So Easy. Durant le reste de la soirée, on entendra une bonne combinaison de nouveautés de Chinese Democracy et de classiques d'Appetite for Destruction et des deux Use Your Illusion, comme Sweet Child O' Mine et You Could Be Mine (très solides), et aussi Live and Let Die, Knockin' on Heaven's Door, November Rain et Mr. Brownstone. À en juger par la liste fournie par la production, l'ordre des chansons a été modifié à la dernière minute, et quelques titres ont malheureusement été laissés de côté, dont Rocket Queen et My Michelle.

Quand Axl est en forme, il glisse des «fucking» dans les refrains. La chose se vérifie durant Nightrain, cette célébration de la piquette qui constitue peut être le moment fort de la soirée. Il sourira même à plusieurs reprises.

La foule apprécie. Ce sont plutôt les nouvelles pièces qui la laissent plutôt froides. Même si certains connaissent les paroles par coeur, la majorité se rassoit ou part se ravitailler à coup de bière à 10 $ dès que commence une nouveauté.

Malgré tout, on ne plaint pas des choix de chansons. Après avoir passé 16 ans à travailler sur Chinese Democracy, Rose peut bien le jouer un peu sur scène. Et s'il ne le faisait pas, on l'accuserait de sombrer dans la nostalgie.

On constate aussi avec plaisir que les nouveautés prennent du gallon sur scène. La sonorité plus crue fait un peu oublier la désagréable surproduction en studio des versions endisquées. Axl a joué beaucoup de nouvelles ballades rock. Bizarrement, avec lui, le genre ne déplaît pas. Dans If The World et les autres, on ne semble pas entendre une complainte sentimentale, mais plutôt les cris d'un animal blessé et encore plus dangereux. Ça se vérifie dans le regard.

Trois guitares

Pas moins de sept musiciens accompagnent Axl Rose sur scène: trois guitaristes, un bassiste, un batteur et deux claviéristes.

Hier soir, la batterie de Frank Ferrer était à mi-chemin entre celle plus simple et presque punk de la période Appetite, et celle de l'orgie de cymbales et de tambours de la période Use Your Illusion.

Axl a déjà prétendu qu'il existait à l'époque un malsain combat de coq entre les guitaristes Slash et Izzy Stradlin. Dans la version 2010 de Guns, il y a trois guitaristes au lieu de deux, et chacun obtient sa part de solos. Le trio est hétéroclite. Avec sa fine moustache et son jeu, Ron «Bumblefoot» Thal rappelle le vieux métal des années 80. On entend peu de silence entre les notes. Avec son chapeau de cowboy très Sunset Strip et ses solos où il brandit sa guitare comme si elle était le prolongement de son phallus, DJ Ashba est quant à lui celui qui rappelle le plus Slash. Les deux sont agréables à écouter. C'est moins vrai pour le troisième, Richard Fortus, qui rappelle le style nu métal. Il tape sa guitare au lieu de la gratter, et bâclera notamment le solo de November Rain. Les cordes sont complétées par Tommy Stinson, ancien bassiste des Replacements.

On pourrait dire que lors des classiques de Guns N' Roses, on entend un groupe de reprise. C'est évident. Mais l'interprétation est la plupart du temps efficace.

Pour un spectacle de cette envergure, la mise en scène est toutefois un peu bâclée. Des explosions souvent inutilement fortes assourdissent la foule pendant quelques secondes, assez pour qu'on entende mal ce qu'Axl Rose chante dans les secondes suivantes. Et des vidéos bancales sont projetées. Avec les couchers de soleil, on croirait à une carte Hallmark animée. On verra aussi des images très léchées de filles qui braillent ou de filles très disponibles, ainsi que des courses de F1 (?) durant You Could Be Mine.

Vers 1 h 10 du matin, plusieurs honnêtes travailleurs quittaient rapidement le Centre Bell lors des dernières notes de Paradise City. Ceux qui sont restés jusqu'à la toute fin ont eu droit à un pardon, presque. Rose s'est enroulé un drapeau du Québec au cou avant d'offrir un verre à quelques fans au devant de la scène. C'est déjà pas mal mieux que la dernière fois.