La petite salle de l'eXcentris, à cause du rapport intime qui s'y établit naturellement entre artistes et spectateurs, convenait tout à fait aux chansons cinématographiques, toutes en ambiance, du récent album de Michel Cusson, Luck Mervil et Térez Montcalm. Mercredi soir - ils y jouent encore jeudi - je souhaitais voir ces chansons prendre véritablement leur envol en spectacle, mais je ne me doutais pas à quel point l'exercice serait concluant.

Au contact de la scène, les deux chanteurs ont retrouvé le mordant qu'on leur a toujours connu, incitant même le super guitariste, moins à l'aise dans le rôle de bête de scène, à lâcher son fou. Et le rock de guitares que promettait Cusson a enfin pris tout son sens grâce à l'accompagnement solide des trois jeunes loups derrière : Akido (Kim Gaboury) à la guitare et au laptop, et la section rythmique béton composée du batteur Maxime Bellavance et de Jonathan Dauphinais à la basse-clavier.

On se doutait bien que Cusson, Mervil et Montcalm ne nous réservaient pas une relecture platement fidèle du disque. On en a eu la preuve dès le début quand, après une jolie pièce instrumentale de Cusson, Térez Montcalm est venue mordre à belles dents dans le texte du Pendule. Dès la chanson suivante, Comme la nuit, l'intensité musicale a monté d'un autre cran et Cusson s'est lancé dans un solo plus long que sur l'album en s'appuyant sur le beat lourd de ses complices.

Puis Luck Mervil s'est amené, théâtral à souhait, donnant à la chanson Minéral plus de muscle, plus d'énergie rock qu'on ne lui en connaissait. Cusson s'est ensuite permis un solo d'homme-orchestre-manipulant-ses-pédales, Mervil est revenu faire À travers tes mots avec l'appui de Montcalm et on a entendu les premiers bravos de la soirée. Dans la très rock Je veux m'envoler, Cusson nous a pris par surprise en changeant de ton le temps d'un solo planant. Puis le guitariste s'est carrément emballé pendant Tous les soleils, délicieusement bluesée.

La montée s'est poursuivie après l'entracte, grâce au soul naturel de Térez Montcalm. Mais c'est quand les deux chanteurs se sont lancés tête première dans Beggin du duo norvégien Madcon qu'un courant électrique a traversé la salle, Montcalm et Mervil se relançant joyeusement sur ce rythme irrésistible. Après Rue des troubadours, peut-être la plus belle chanson de l'album, le guitariste nettement plus réservé que ses deux complices est presque retombé en adolescence le temps de Folie, un rock décapant, petit cousin du thème des Invincibles.

Au rappel, autre belle surprise, on a eu droit à un emprunt à «un bon petit band qui va aller loin», dixit Cusson : I Want You (She's So Heavy) . Se frotter comme ça à un classique des Beatles peut-être suicidaire; au contraire, ce fut un autre exemple réjouissant du potentiel de Cusson, Mervil et Montcalm quand ils font vraiment corps.