Éléctrisant. Pas d'autre mot pour décrire le spectacle du saxophoniste éthiopien Getatchew Mekuria, qui se produisait lundi à la Sala Rosa, en compagnie du groupe néerlandais The Ex.

Mekuria, 75 ans, est surnommé le «Négus» du sax éthiopien. L'homme a 60 ans de musique derrière lui. Mais ce n'est que depuis la parution de la phénoménale série Les Éthiopiques - qui lui consacre un volume complet - que sa réputation dépasse les frontières de l'Afrique. Quant à The Ex, formation-culte comptant 30 ans d'existence, parlons d'une incontournable de la scène rock «actuelle», dans le sens Victoriaville du terme.

En principe, rien n'aurait dû réunir ces deux entités, qui sont de cultures et de générations différentes. Il a fallu que Terrie Hessels, guitariste et fondateur de The Ex, s'achète par hasard de vieilles cassettes du saxophoniste, lors d'un périple en Éthiopie à la fin des années 90, pour que naisse cette improbable collaboration, qui s'est soldée par 70 concerts depuis cinq ans - et qui en comptera un de plus ce soir, puisque tout ce beau monde remet ça au même endroit.

Attention. On parle bien d'une «collaboration». Car nous sommes loin, ici, d'un bête hommage à la musique éthiopienne. Les membres de The Ex (huit membres, incluant une section de cuivres) sont visiblement fans de ce folklore unique, qui se situe à mi chemin entre le rhythm'n'blues, le jazz, l'afrobeat et la tradition moyen-orientale. Mais cela ne les empêche pas de personnaliser le tout à leur sauce, avec moult dérapes punk, rock'n'roll et free jazz, menées par un chanteur en transe et les guitares furieuses de Hessels et Andy Moor, les deux «faux frères» en bermudas à la racine du groupe.

Offensif sans être agressif, le résultat est tout simplement explosif. Aucun temps mort dans ce spectacle parfaitement équilibré, qui brouille nos repères avec des improvisations décapantes, des rythmes complexes et des moments de grâce directement inspirés du fameux groove éthiopien.

On aurait pu croire à l'incompatibilité complète. Parce qu'après tout, Getatchew Mekuria est un vieux monsieur, et qu'en général, les vieux messieurs aiment bien leur confort.

Mais c'est tout le contraire. Souverain sur scène, sporadiquement vêtu de son costume tribal abyssinien, le vétéran prend un plaisir manifeste à « accoter « cette bande de « jeunes « radicaux en crachant du feu par son sax ténor. Ahurissante complicité musicale qui sera couronnée, plutôt trois fois qu'une, par la performance épileptique d'un danseur traditionnel éthiopien branché sur le 220 volts.

«Certains ont dit que Getatchew était l'inventeur du free jazz, disait Terrie Hessels quelques heures avant le spectacle. C'est drôle, parce qu'il ne connaît rien au jazz ! Son jeu n'a rien de théorique. Il joue au feeling. C'est un conteur. Il joue ce qui lui passe par la tête. Avec lui, c'est une perpétuelle aventure musicale...»

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Getatchew Mekuria + The Ex. Ce soir 21 h à la Sala Rossa, 4848 boulevard Saint-Laurent. Info : 514-284-0122.