Le bonheur est parfois maladroit, c'est le titre d'une des plus belles chansons du dernier album de Catherine Durand (Coeurs migratoires). C'est aussi une phrase qui résume bien le spectacle que présentait la chanteuse au Lion d'Or mardi soir, spectacle qui y sera de nouveau présenté jeudi, avant de partir en tournée au Québec.

Bonheur, donc, que ce concert où la guitariste accomplie et l'auteure-compositeure douée qu'est Catherine Durand se révélait petite soeur de Sheryl Crow par le talent et la grâce délicieusement gauche. Bonheur de voir la jeune femme franchement ravissante dans sa jolie petite robe noire au lieu de ses sempiternels jeans, ce qui ne l'empêchait nullement de manier son instrument avec l'aplomb nécessaire. Bonheur aussi de la voir entourée de musiciens particulièrement bons, qu'elle a d'ailleurs présentés dès le début du spectacle, parce qu'ils y tiennent un rôle majeur: que ce soit Jocelyn Tellier à la guitare électrique, Joe Grass à la guitare dobro, à la mandoline et à la pedal steel ainsi qu'aux voix, Guillaume Chartrain à la basse et aux voix et Marc-André Larocque à la batterie (sans oublier Mélanie Auclair au violoncelle le temps de deux chansons et qu'on aurait aimé voir plus), tous faisaient preuve de brio sans faire d'esbroufe, emportés par la musique de Catherine Durand. Il y avait parfois des envolées, de longues plages instrumentales que Ry Cooder et compagnie n'auraient pas reniées...

Autant de bonheurs qui s'ajoutaient à celui de laisser la voix fraîche comme une source de Catherine Durand emplir nos oreilles avec ses mots simples en apparence, justes en réalité, et ses fines mélodies folk, métissées de country ou de rock planant.  Et puis, il y avait aussi ces moments où elle se dansait avec sa guitare ou esquissait une chorégraphie improvisée, une espèce de pas de deux électrique avec Jocelyn Tellier (la chanson Quelques heures), ceux où elle chantait en duo avec Joe Grass la belle et ingénue I Still Pray de Kasey Chambers ou s'auto-enregistrait en direct pour créer couche après couche d'accords (très réussie Mon bateau).

On ne mettra évidemment pas au nombre de maladresses - ni des bonheurs... - les problèmes techniques : des micros quasi fermés pendant le duo Le bonheur est maladroit avec Guillaume Chartrain, un moniteur dont la pile tombe en panne (moment  dont elle s'est bien tiré), des instruments qui parfois enterrent sa voix, des éclairages moins heureux lorsqu'ils étaient en mode mouvement ou projections... Ce sont des choses qui ont cours pendant un soir de première et qui se règlent.

Non, la maladresse de Catherine Durand, c'est d'insister sans s'en rendre compte sur son côté loser. Présenter ses chansons comme «tendres et douillettes», c'est bien; ajouter «je pense que vous ne finirez pas la soirée en dansant sur les tables», ça l'est moins. Intégrer deux, trois chansons qui ont tourné à la radio en 1998 et 2000 à son répertoire récent, c'est bien; faire des variations sur le thème «j'ai l'air de rien comme ça, mais j'ai déjà écrit des hits», ça l'est nettement moins. Je ne suis pas sûre non plus qu'un entracte soit une bonne idée: difficile de recréer l'atmosphère, parfois carrément envoûtante, de la première partie, pour faire une seconde partie allongée avec des «hits» que peu de spectateurs ont reconnus. Son univers musical subtil et délicat est peut-être fait pour être savouré à plus petites doses, faute de quoi il s'étiole, comme une fleur laissée trop longtemps sous les projecteurs...

Catherine Durand est une musicienne hors pair, qui crée des albums sans cesse plus raffinés. C'est à elle de miser sur cela et de l'assumer vraiment sur scène. Car son spectacle a beaucoup d'atouts, dont son talent d'auteure-compositeure, sa voix, son incroyable jeu de guitare et le fait que de jeunes musiciens aussi doués aient envie de jouer avec elle. Il ne reste au bonheur qu'à devenir adroit....

Catherine Durand en spectacle au Lion d'Or jeudi, 15 septembre, puis en tournée.