Le cirque que Britney Spears trimballe depuis un mois et qui l'a ramenée, après cinq ans d'absence, au Centre Bell vendredi soir est énorme. C'est un cirque sans éléphant mais éléphantesque qui emprunte autant à Broadway qu'à Bollywood et qui se déploie sur trois pistes où explosent gerbes d'étincelles, éclairages chatoyants et pluies d'étoiles sous le feu roulant des acrobates, des hommes araignées et d'une armée de danseurs.

Pour l'oeil, The Circus est incontestablement un régal: un régal signé Jamie King, celui que Britney Spears a découvert en 2001 avant que Madonna et Céline Dion ne lui mettent le grappin dessus.

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On pourrait reprocher cette fois-ci au directeur artistique de s'être un peu trop lourdement inspiré de numéros du Cirque du Soleil ou même du Cirque Éloize mais, puisqu'il s'agissait de recréer l'univers du cirque, certaines redites et certains clichés étaient incontournables.

La soirée a débuté à 21h pile avec la prestation très moyenne des Pussycat Dolls, cinq danseuses de poteau spécialistes du grand écart qui chantent comme des pieds, sauf l'unique chanteuse du groupe.

Puis place au cirque avec les acrobates, jongleurs et clowns de la Grosse Pomme qui ont donné le ton et ouvert la voie à l'idole des petites filles, de leurs mamans et d'une poignée de gars traînés au Centre Bell par leurs blondes.

Devant 22 000 spectateurs, Britney est descendue du ciel, en équilibre précaire sur une balançoire, vêtue de la veste et du chapeau haut de forme du maître de piste sur la pop entraînante de la chanson Circus.

«Il y a deux genres de personnes dans le monde, a chanté Britney. Ceux qui divertissent et ceux qui regardent. Moi, je suis une fille de show. Je n'aime pas être assise à l'arrière. Je dois être en avant.»

Il y a évidemment beaucoup d'ironie dans cette chanson comme dans toute la thématique du cirque, reprise pour rappeler le cruel cirque médiatique dont Britney a fait les frais quand sa vie personnelle s'est effondrée et qu'elle est devenue la bête de cirque des paparazzis.

Depuis sa dépression et son hospitalisation, Britney a retrouvé la forme. Assez, en tout cas, pour donner des spectacles, soir après soir, ville après ville, depuis le début du mois de mars.

Reste que la fille de show qu'elle prétend être dans la chanson Circus manquait de conviction vendredi soir au Centre Bell. Peut-être est-ce la fatigue accumulée, peut-être une sorte de lassitude généralisée qui s'est incrustée dans sa gestuelle. Peu importe la raison, la showgirl semblait fonctionner sur le pilote automatique. Elle esquissait tous les pas et les mouvements requis par ses nombreuses chorégraphies, mais de manière mécanique et sans l'énergie nerveuse et vitale qu'elle déployait la première fois qu'elle est montée sur scène à Montréal, en 2000.

Contrairement à Madonna, qui, à 50 ans, se bat avec l'énergie du désespoir et travaille comme une forcenée sur scène pour nous prouver qu'elle n'a pas l'âge de ses artères et qu'elle peut accoter n'importe quelle poulette, Britney s'est montrée par moments d'une désespérante nonchalance.

Le sourire avait beau être resplendissant, la blonde chanteuse semblait par moments absente ou alors entièrement absorbée par ses consignes et donc incapable de communiquer une quelconque émotion au public.

Rarement seule sur scène, Britney a passé la soirée entourée de danseurs. Mais au lieu de les mener comme un général mène son armée, elle peinait à les suivre et, la plupart du temps, se servait d'eux comme paravent pour camoufler ses failles et son manque d'entrain.

La reine du lip-sync

Côté performance vocale, il est difficile de juger des qualités d'interprète de Britney puisque la reine du cirque est aussi la reine du lip-sync. La rumeur populaire veut que Britney se risque de temps à autre à chanter en direct sur scène, mais bien malin celui qui, vendredi soir, a réussi à distinguer le faux du vrai parmi la vingtaine de tubes qu'elle a offerts au public.

À l'époque de ses premières tournées, quand ses chorégraphies nettement plus aérobiques la laissaient haletante, le recours au lip-sync était sinon justifié, à tout le moins compréhensible. Mais aujourd'hui, avec des chorégraphies moins complexes et moins éreintantes, on comprend que le lip-sync est devenu une béquille dont Britney n'arrive plus à se passer.

Malgré cela, The Circus est un spectacle abondant et généreux où le public n'a jamais le temps de s'ennuyer. Chaque chanson est en effet un tableau, un clip, une bulle où l'oeil plonge avec ravissement, découvrant un décor après l'autre et un défilé de costumes dessinés par les deux designers de Dsquared, de Toronto.

Depuis le premier numéro jusqu'à la grande finale de Womanizer, avec feu d'artifice et pluie de confettis, Britney et ses producteurs n'ont pas cherché à économiser les effets ni à rogner sur les dépenses. Cette générosité, financée en partie par le commanditaire Virgin Mobile, explique la seule faute de goût de la soirée.

En effet, à mi-chemin du spectacle, une immense bannière de Virgin Mobile a été déployée au-dessus de la scène pour une raison qui, de toute évidence, n'avait rien d'artistique. En principe, le cirque de Britney ne devait faire qu'un seul arrêt à Montréal, mais, devant l'enthousiasme du public, on a ajouté une représentation le 5 mai (dont les billets seront mis en vente demain, à midi). Espérons que, ce soir-là, Britney aura trouvé un second souffle qui la confirmera dans son rôle de maître de piste plutôt que de bête de cirque.