M pour Madonna, M pour musique, pour Montréal et pour merci : c'est ce dernier mot qui montait aux lèvres d'un grand nombre des 17 861 spectateurs, réunis hier au Centre Bell pour le premier des deux spectacles de Miss Ciccone. Car ils ont pu danser et chanter - oui, même les placiers se trémoussaient - avec une Madonna au sommet de sa forme, souriante, chaleureuse à sa manière, dans un spectacle à grand déploiement.

Autant le dire d'emblée : j'ai assisté à ce spectacle à environ 10 mètres de la scène. Il se peut donc que le son ait été distordu, que les projections (extrêmement pertinentes et réussies) n'aient pas eu le même effet vues de loin, ou que la véritable frénésie qui régnait au parterre n'ait pas été contagieuse : je n'étais pas en mesure de le réaliser. Mais de près, ce qui était remarquable, c'était de constater le réel plaisir, visible, physique, indéniable de Madonna, son goût, son besoin d'être sur scène, entourée ou non de ses danseurs, ses musiciens, tous excellents. Et si on peut trouver discutable le fait qu'elle joue désormais de la guitare - c'est vrai qu'elle a de la difficulté à coordonner chant et « picking »! - , on la comprenait pourtant de s'offrir ce plaisir supplémentaire en voyant ses yeux heureux à la fin de la plage musicale extrêmement électrique qui terminait Borderline. «Dire que j'étais dans l'autobus 125 il y à peine quelques heures! » s'est écrié, incrédule, une de mes voisines.Dans une ambiance survoltée et remplie à craquer de musique - même mes jeans vibraient -, Madonna a ainsi présenté 23 chansons en quatre tableaux, chaque fois avec un souci de la mise en scène précise, qui a permis de réaliser un truc tout bête : porté sur scène, le disque Hard Candy est vraiment bon, et les 9 chansons (sur 12) tirées de l'album avaient une ampleur et une efficacité remarquables, hier soir.

Le premier tableau (baptisé Pimp ou «proxénète » sur la feuille remise aux journalistes) a permis d'apprécier notamment un Beat Goes On percutant et un Vogue magnifiquement dansant et dansé - et pendant Human Nature, mon voisin n'a pu s'empêcher de murmurer, estomaqué : «Quel (insérez ici la 17e lettre de l'alphabet). »

Le second tableau («New York Old School », indique le programme), effectivement très new yorkais, très américain (on est loin de la châtelaine britannique...), très années 80, permet d'apprécier notamment un remix de Into The Groove (avec de chouettes projections des graffitis de Keith Haring, icône new yorkais s'il en fut), une version réussie de Music et surtout She's Not Me, où Madonna s'en prend à toutes celles qui tentent de l'imiter pour mettre la main sur l'élu de son coeur. Oui, c'est très autobiographique et cela demeure une des choses les plus troublantes du répertoire de Madonna au fil des ans : sur des airs à la mode, avec ses allures parfois glaciales, Madonna y révèle pourtant toujours sa vie personnelle dans ses textes. De même que True Blue était le disque de l'amour avec Sean Penn ou Ray of Light, celui de l'amour maternel, toutes les chansons de Hard Candy sont la chronique d'une rupture annoncée.

Mais pas de la mort. Madonna a été souveraine dans le troisième tableau (intitulé « Romani Gypsy »), avec une extraordinaire fête tsigane sur scène, une Miles Away chantée en choeur et un You Must Love Me (tirée d'Évita) où le peuple de Madonna a assuré à sa reine que, oui, lui, allait l'aimer fidèlement. Et le quatrième tableau (« Rave Armageddon ») a été ultra dansant : après un vidéo mettant dos à dos le fascisme (l'Iran, la Corée du Nord, l'Allemagne nazie et... McCain) et l'espoir (Mère Térésa et Obama, même combat...), elle a notamment enchaîné 4 minutes et Like A Prayer (méchant remix) avec aplomb.

Bref, M pour moment mémorable.