Anik Jean aurait préféré que ça brasse davantage au Club Soda, mercredi soir dernier, à l'occasion de sa rentrée automnale. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé de réveiller l'auditoire: le répertoire de la ro-ckeuse contient assez de muscle pour brasser la cage des fans, qui paraissaient éparpillés dans cette salle peut-être trop grande - à moins que ce qui fut l'une des dernières belles soirées d'automne les ait gardés sur une terrasse?

Belle soirée? Qu'importe, puisque l'atmosphère tamisée d'un club est l'environnement idéal pour Anik Jean. «Je suis une artiste dark, que voulez-vous, j'aime ça!» a-t-elle candidement lâché, entre deux chansons.

 

Ça, on s'en doutait, pas besoin de le souligner, merci. Avec un titre d'album comme Le Ciel saigne le martyr, disons qu'on n'est pas près de la voir invitée au Broco Show, la rockeuse. Les éclairages étaient même mis à contribution: beaucoup de rouge, pas trop de spots.

Le concert s'est ouvert de manière un peu trop cérémonieuse, d'ailleurs, avec Hurt, langoureuse introduction sur laquelle Anik Jean se lance dans des vocalises. Disons qu'on préfère lorsque Anik Jean mord, guitare au cou, que lorsqu'elle relance Sarah Brightman...

Alors qu'on croyait avoir trop entendu sa voix, les premières chansons nous ont donné envie d'en entendre davantage. Lucifer, L.A. 007, bonnes entrées en matière, richement orchestrées (sinon sans grande originalité) par ses musiciens, dont le très compétent guitariste new-yorkais Earl Slick, collaborateur de David Bowie durant les années 70 (les disques Young Americans et Station to Station). Problème: sa voix était trop souvent étouffée sous le poids des guitares.

Sa version de Je suis partie, composition de Jean Leloup, arrivée tôt dans le concert, était particulièrement bien sentie. Cette chanson, ainsi que quelques autres - Junkie, Thorazine, La femme bionique, entre autres -, donnent le meilleur à entendre d'Anik Jean. Parce qu'elle les interprète de manière particulièrement incarnée, absolument dévouée à son rock, terriblement sensuelle la guitare au cou et le regard de feu.

A contrario, les ballades et quelques autres chansons banales alourdissent non seulement le déroulement du spectacle, mais font aussi baisser la fièvre ambiante. Anik Jean, s'il fallait encore s'en convaincre, est une romantique finie. Or, on peut être romantique sans être mièvre, surtout si, comme chez la musicienne, on a le coeur coulé dans le rock. Au risque de se répéter: Anik Jean excelle lorsque les guitares rugissent à ses côtés, que l'émotion est si intense qu'elle ne nous laisse pas le temps de souffler entre les chansons. Comme dans Junkie et La veuve noire ou, dans un registre un peu plus «dansant», durant la dernière portion du spectacle. Sur des séquences rythmiques préenregistrées, l'orchestre ouvrait les vannes avec La haine, une version franchement irrésistible de Rebel Rebel de Bowie («Assez stressant de la jouer avec Earl Slick!» confiait-elle) et son succès Oh mon chéri.

Anik Jean tentera de faire salle comble le jeudi 20 novembre prochain à l'occasion d'une supplémentaire, encore au Club Soda.