Alors qu'elle semblait fuir la scène à ses débuts, Lana Del Rey se produisait au Centre Bell pour la deuxième fois en un an avec la tournée The Endless Summer - à laquelle les journalistes ne sont pas invités -, en attendant son nouvel album Honeymoon, prévu pour septembre.

Si on compare sa prestation à celle de l'an dernier, la Lolita de 28 ans était davantage en possession de ses moyens. Sur scène, elle semblait à mi-chemin entre son personnage juvénile trouble et l'incarnation de la femme libérée. Son charme et ses chansons rachetaient toujours ses imperfections et le manque de tonus de son spectacle de 90 minutes, du moins aux yeux et aux oreilles de ses 12 700 admirateurs présents.

Ses musiciens ont fait leur entrée, son guitariste a gratté les accords de Cruel World, puis Lana, vêtue de blanc et parée de longs faux cils, a fait son entrée. Derrière elle, des projections d'immeubles à la tombée de nuit. Une ambiance de cabaret pop et une entrée en matière plus rock que pop.

Lana Del Rey a bien maîtrisé les envolées vocales de Coca. Bien placée devant un mur sonore, la guitare a donné un relief intéressant à Blue Jeans. Le ton langoureux s'est poursuivi avec les accords amortis dans la distorsion de West Coast.

Surprise: Lana Del Rey a ensuite interprété Us Against The World, enregistré en 2010 sur un album retiré du marché, ainsi qu'une reprise très réussie et sentie de Chelsea Hotel No. 2, de Leonard Cohen. Le drapeau américain a été hissé derrière elle pendant Born to Die, tube que Xavier Dolan avait utilisé pour magnifier la finale de Mommy. De son nouvel album, elle a interprété la pièce Serial Killer, mais son rendu n'a pas été convaincant.

Pendant des hymnes pop comme Summertime Sadness et Off to the Races, on aurait voulu voir Lana Del Rey se donner sans compter.

On se laisse charmer ou pas par le beau manège de Lana Del Rey. Sa façon de se promener dans la foule telle une Blanche-Neige s'adressant à ses nains, complètement à ses pieds. De remuer les hanches, de placer suavement ses cheveux derrière ses épaules. Elle chante les yeux fermés avec une expression tourmentée. Elle s'agenouille devant un bouquet de roses offert par un spectateur.

Mystérieuse, beaucoup plus effacée sur la scène médiatique que la plupart des chanteuses pop, Lana Del Rey compte sur des admirateurs qui la prennent quand et comme elle passe. Aucun rappel, jeud soir, mais un long bain de foule.

Sa présence sur scène avait toujours quelque chose de surréel et nous avons aimé la formule cabaret de son spectacle. Mais maintenant qu'elle a apprivoisé la scène, Lana devra aller au-delà de son personnage d'ingénue à la Marilyn Monroe et tonifier sa présence scénique.

On aura l'occasion de mesurer son évolution avec son prochain chapitre musical, Honeymoon, qui, on l'a dit, sort cet automne.

« À l'an prochain », a-t-elle promis d'ailleurs à la foule du Centre Bell.

GRIMES EN PREMIÈRE PARTIE

Grimes assure en ce moment la première partie de la tournée de Lana Del Rey. On est loin de l'époque où elle vivait à Montréal et se produisait dans les circuits underground du Mile End.

Depuis décembre 2013, Grimes - alias Claire Boucher, née à Vancouver - est représentée par l'entreprise de gérance de JayZ, Roc Nation, qui compte Rihanna et M.I.A. dans ses rangs.

Depuis, on attend toujours un plat de résistance. Grimes n'a pas lancé d'albums ou d'EP depuis Visions, en 2012. Seuls des extraits ont été dévoilés, dont David et Go (écrite à l'origine pour Rihanna). Des rumeurs veulent que la musicienne canadienne, insatisfaite, ait jeté du matériel aux ordures.

Elle semble du moins avoir pris des cours de danse, sommes-nous tentés de conclure après l'avoir vu s'élancer sur la grande scène du Centre Bell, jeudi soir.

Accompagnée de nombreuses danseuses, la frêle et explosive chanteuse (gare à ses cheveux longs qu'elle secoue dans tous les sens) a interprété ses chansons - parfois avec un manque de justesse vocale - dans une atmosphère nocturne de squat urbain, plus ou moins adaptée à une scène de grand amphithéâtre.

Les spectateurs présents pour sa première partie ont accueilli Oblivion et Genesis - qui figuraient sur Visions - avec enthousiasme. Grimes a aussi emprunté Phone Sex à ses amis de Blood Diamonds.

Il sera intéressant de voir comment le prochain album de Grimes sera mis en marché. Dans les grandes ligues pop? Dans les circuits d'electronic dance music? Sur la scène électro-pop indé? Difficile à prédire, après son spectacle de jeudi soir. Des choix sans doute difficiles.