Il y avait beaucoup de Kate McGarrigle dans le concert-hommage Cheminant vers ma ville donné deux fois plutôt qu'une en mémoire de l'artiste disparue, jeudi soir au Théâtre Outremont. Ses soeurs Anna et Jane, ses enfants Rufus et Martha Wainwright, leurs cousins, amis et invités spéciaux ont fait de ces deux heures de musique une célébration musicale aussi riche que sentie des chansons de Kate et Anna McGarrigle, particulièrement celles de leur répertoire francophone.

Michel Rivard avait bien raison d'être jaloux des membres du clan McGarrigle qui, dans la maison familiale de Saint-Sauveur, chantaient comme d'autres respirent. Kate et Anna ont baigné là-dedans dès l'enfance et chacun de leurs concerts a conservé ce naturel parfois un peu brouillon qui évacuait toute forme de prétention.

Malgré quelques rarissimes et très légers cafouillages et les inévitables taquineries que s'échangent Rufus et Martha, la soirée de jeudi aura surtout été digne, inspirée et pleine de chaleur humaine. Le ton de la soirée était plutôt sérieux - on pourrait presque parler de recueillement - en mémoire de la chère disparue bien sûr, mais aussi à cause de la nature même des chansons retenues, des petits joyaux trempés dans une mélancolie et une tristesse qui font chaud au coeur. La spontanéité des concerts des McGarrigle, on la retrouvait dans la mise en contexte des chansons par l'un ou l'autre des membres de la famille bien plus que dans leur exécution.

La tribu élargie des McGarrigle était superbement appuyée par un groupe dans lequel on reconnaissait les vieux complices Joel Zifkin, violoniste, et Michel Pépin, guitariste, aussi bien qu'une recrue comme Éloi Painchaud, dont l'harmonica et le banjo s'immisçaient tout naturellement dans cette musique organique. Ajoutez à cela une chorale à géométrie variable, essentielle, à laquelle se sont joints les invités Michel Rivard, Robert Charlebois, Pierre Lapointe, Marie Michèle Desrosiers, Fanny Bloom et même l'amie Michèle Mercure qui a joué de la cuillère pendant Une excursion à Venise.

Dans le salon de Kate, jeudi soir, tout était permis. Aussi bien l'adaptation de Kate et Anna de la chanson traditionnelle Blanche comme la neige, un véritable festin vocal, qu'un blues qu'a pondu Kate avant même de faire équipe avec sa soeur Anna et même une composition à saveur gershwinienne que le pianiste Tom Mennier a écrite pour les noces de Martha et de Brad Albetta, directeur musical jeudi soir. Albetta qui a fait un sacré boulot, donnant aux chansons des McGarrigle et des invités la richesse et la profondeur qu'elles méritaient.

Ce concert unique nous aura surtout rappelé combien Kate et Anna McGarrigle ont écrit de grandes chansons sur les difficultés amoureuses, mais aussi des portraits sociaux d'une justesse et d'une finesse rare, comme Jacques et Gilles sur l'exode des Canadiens français dans les usines de la Nouvelle-Angleterre. De grandes, de belles chansons, jusqu'à l'émouvante Proserpina, écrite par Kate peu avant sa mort, et qui, jeudi, nous a fait regretter davantage si c'est possible la disparition de son auteure.

Kate McGarrigle aurait aimé ce concert. Et il y a fort à parier qu'elle aurait imité sa soeur Anna qui s'est éclipsée quand le public de l'Outremont lui a servi une ovation. Cette modestie fait aussi partie de la manière McGarrigle.