Blue Rodeo a bellement souligné son quart de siècle d'existence vendredi en donnant à la salle Wilfrid-Pelletier un concert exemplaire prouvant une fois de plus que ces sept Torontois n'ont rien à envier aux meilleurs groupes de l'univers connu.

Dès la toute première chanson, Cynthia, on a reconnu les harmonies vocales des guitaristes et auteurs-compositeurs Jim Cuddy et Greg Keelor, bien appuyées par la pedal steel de Bob Egan. Trois heures plus tard, en guise de deuxième et ultime rappel, ils sont revenus seuls tous les deux avec leurs guitares acoustiques et l'harmonica de Cuddy pour nous faire apprécier une dernière fois leur complémentarité qui a toujours fait de Blue Rodeo un groupe d'exception. C'était Is It You, inspirée d'un de leurs roadies, certes pas la chanson la plus connue de leur répertoire mais qui dit bien la personnalité de ce groupe dans lequel les individualités travaillent pour le bien commun, celui de la musique.

La première heure du concert fut rien de moins que magistrale depuis la joyeuse What Am I Doing Here jusqu'aux épiques Diamond Mine et Five Days In May, pendant lesquelles le parterre s'est levé comme il l'aurait fait lors d'un rappel. Faut dire que ce fut la meilleure version de Diamond Mine qu'il m'ait été donné d'entendre depuis le Spectrum à la fin des années 80, dramatique à souhait et magnifiquement servie par un groupe soudé et la voix de Keelor, taillée dans le rock.

Le même Keelor qui, on le sait, doit désormais léguer ses solos de guitare électrique à Colin Cripps en raison de ses problèmes auditifs. Par moments, forcément, Keelor jouait un rôle plus effacé qu'à l'habitude avec sa seule guitare acoustique à la gauche de la scène, mais chaque fois qu'il s'approchait du micro, son intensité était contagieuse. Dans Five Days in May, justement, Cripps nous a servi un solo en crescendo convaincant quoiqu'un peu moins fiévreux que ceux auxquels nous avait habitués Keelor, mais cette grande chanson n'en fut pas moins prenante grâce au solo de piano de Michael Boguski qui est désormais un membre à part entière du groupe.

Blue Rodeo a surtout pigé dans ses albums classiques, jouant pas moins de 12 extraits des albums Five Days In July et Casino. On a également eu droit à trois nouvelles chansons à saveur country-folk qui seront de l'album à paraître à l'automne ainsi que, au retour de l'entracte, à la complainte Out Of The Blue que chantait The Band dans The Last Waltz. Cette chanson qui n'était pas sans rappeler la filiation entre les deux grands groupes canadiens a donné le ton au segment bivouac du spectacle, une longue suite principalement acoustique avec les musiciens regroupés à l'avant de la scène.

Blue Rodeo avait encore des munitions: After The Rain, prétexte à un grand numéro de chanteur soul de Cuddy, l'irrésistible 'Til I Am Myself Again et Hasn't Hit Me Yet pour laquelle Keelor a recruté sans difficulté aucune la plus vibrante chorale de spectateurs. Puis, le groupe a eu la bonne idée de jumeler la rockabilly You're Everywhere, faite sur mesure pour le guitariste Cripps, à Somebody Touched Me des vénérables Stanley Brothers, mais plus gospel/spiritual que bluegrass. On avait gardé pour le rappel Try, Head Over Heels et, évidemment, Lost Together, plus émouvante que jamais grâce à un Keelor bien en voix.