Ce concert d'Alexis Hauser et l'Orchestre symphonique des étudiants de McGill nous a valu une révélation: Yolanda Bruno, jeune violoniste d'Ottawa et gagnante du Concours de concerto de McGill en 2011.

Le concert fut d'abord donné vendredi soir. Ayant choisi le Molinari ce soir-là, j'en écoutais la reprise samedi soir.

Le choix de la nouvelle venue pouvait paraître téméraire: l'exécution, de mémoire, du deuxième Concerto de Bartok, plus long et plus important que le premier, et considéré, avant la découverte de celui-ci, comme l'unique du compositeur hongrois.

Le violon entre dès la sixième mesure et ces premiers moments découvrent en effet la jeune fille un rien nerveuse. Un regard échangé avec le vigilant chef la met en confiance et voici qu'elle s'élance dans son Bartok et le mène à bon port avec l'assurance, la précision technique, l'envergure musicale, voire la personnalité d'une violoniste de carrière, et ce pendant 41 minutes, soit, fait à noter, huit minutes de plus que le créateur Zoltàn Székely.

Car il existe une référence absolue pour le grand Concerto de Bartok: un enregistrement public réalisé lors de la création par Székely, à Amsterdam le 23 mars 1939, et totalisant 33 minutes.

Avec une maîtrise totale de son instrument, une articulation et une justesse parfaites et une infinie variété dans la palette sonore, Yolanda Bruno donne du Concerto de Bartok une réalisation absolument étonnante, pleine à la fois de lyrisme, de force et d'imprévu. Ainsi, quelle séduisante ambiguïté dans ce passage, précédant la cadence finale du premier mouvement, où Bartok demande de jouer en alternance un quart de ton plus haut et un quart de ton plus bas.

Hauser et l'orchestre l'ont encadrée idéalement, créant même ici et là des timbres qui prolongeaient celui du violon et complétaient l'atmosphère.

Tout ce qui précédait le Bartok n'offrait cependant pas le même intérêt. La symphonie de 16 minutes, en trois mouvements, que Friedrich Cerha a simplement intitulée Sinfonie s'inscrit dans le prolongement de la Nouvelle École de Vienne et les préoccupations de ce compositeur autrichien, né en 1926 et toujours vivant, qui termina l'inachevée Lulu d'Alban Berg.

Faisant une place de 18 minutes au présent (et interminable) «hommage» de la SMCQ à Ana Sokolovic, Hauser dirigeait ensuite les Nine Proverbs de la compositrice montréalaise d'origine serbe, présente au concert. Assortie de surtitres bilingues reproduisant les courts textes déjà imprimés dans le programme, l'oeuvre fait sonner l'orchestre tout entier avec un éclat et une puissance extraordinaires. Mais elle n'est pas convaincante : la plupart des textes n'offrent aucune résonance particulière et la plupart des commentaires orchestraux pourraient s'appliquer à n'importe quel texte.

Hauser complétait le programme avec la deuxième Suite pour petit orchestre de Stravinsky. On a bien lu «petit orchestre» et pourtant, le grand orchestre est là presque au complet! Peu importe. La pièce en quatre courts mouvements est déchaînée, comique et finalement irrésistible.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE McGILL / McGILL SYMPHONY ORCHESTRA.

Chef d'orchestre : Alexis Hauser.

Soliste : Yolanda Bruno, violoniste.

Samedi soir, Pollack Hall de l'Université McGill.

Programme :

Sinfonie (1976) - Cerha

Nine Proverbs (2000) - Sokolovic

Suite no 2 pour petit orchestre (1921) - Stravinsky

Concerto no 2 pour violon et orchestre, Sz. 112 (1938) - Bartok