Daniel Myssyk et son Orchestre de chambre Appassionata (ex-Ensemble instrumental Appassionata) ont presque rempli la salle Bourgie de 444 sièges samedi soir. Fait à noter, ils avaient attiré là des gens qui n'ont manifestement pas l'habitude du concert. Alors que certains nouveaux venus applaudissent partout où il ne faut pas, l'auditoire de samedi soir n'a pas émis le moindre son après le Mozart d'entrée. Un silence de glace. Il fallut que M. Myssyk lui fasse signe que la pièce était finie!

Cela dit sans la moindre ironie de ma part. La musique classique a grand besoin de public et il faut appuyer tous les efforts qui sont faits en ce sens. À cet égard, Appassionata peut certainement jouer un rôle.

De là à dire qu'Appassionata est absolument essentiel à la vie musicale montréalaise, il y a une marge. Dans l'acoustique précise de Bourgie, le petit orchestre à géométrie variable -- 20 cordistes cette fois --  ne sonnait pas particulièrement bien. Les violons étaient assez faux dans la première partie du Mozart et l'étonnante fermeté des trois violoncelles leur apportait un contraste assez gênant. La sonorité collective est, au pire, anémique; au mieux, sans l'homogénéité et la personnalité des Musici, par exemple. Du reste, on retrouve parmi les musiciens réunis par M. Myssyk plusieurs visages qu'on voit un peu partout, au Métropolitain, au Molinari et ailleurs, ce qui ferait d'Appassionata une sorte de «pick-up» plutôt qu'un orchestre autonome.

Les choix de programmes de M. Myssyk ne sont pas toujours heureux non plus. Ainsi, pourquoi perdre son temps à ce Nocturne de Dvorak, insipide et interminable, malgré la signature qu'il porte? En même temps, je reconnais que le Britten de fin de concert était une heureuse initiative. On entend rarement ces variations contrastantes et très difficiles que le compositeur broda autour d'un thème de son professeur Frank Bridge. Le petit orchestre les rendit avec brio, sinon avec toutes les séduisantes nuances qu'elles renferment. Un bon départ, beaucoup de détails à retravailler.

Donné avant l'entracte, le Concerto en fa mineur, BWV 1056, de Bach donnait la vedette à un tout jeune pianiste de 15 ans, Stephen Nguyen, récemment lauréat du Concours de musique du Canada. Sans chercher à imiter le clavecin d'origine, le petit soliste joua son concerto en pianiste, mais sans emphase romantique, et avec le maximum de rectitude et de musicalité. Il salua de la même façon: froidement, mais cordialement. Le dialogue avec l'orchestre fut toujours stimulant.

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ORCHESTRE DE CHAMBRE APPASSIONATA.

Chef d'orchestre : Daniel Myssyk.

Soliste : Stephen Nguyen, pianiste.

Samedi soir, salle Bourgie du Musée des beaux-arts.

Dans le cadre de Montréal en Lumière.

Programme :

Adagio et Fugue en do mineur, K. 546 (1788) - Mozart

Concerto pour clavier et cordes no 5, en fa mineur, BWV 1056 (c. 1730) - Bach

Nocturne en si majeur, op. 40 (1883) - Dvorak

Variations on a Theme of Frank Bridge, op. 10 (1937) - Britten