Oubliant mon aversion naturelle pour le baroque, je me rends parfois à Arion sans regretter mon geste, découvrant, loin de toute appréhension, un programme original, stimulant même, et brillamment exécuté.

C'est dans l'espoir de revivre cette expérience inhabituelle que j'allais hier soir au concert que le petit orchestre avait intitulé Commedia dell'arte. Quelle soirée pénible!

Tout d'abord, le lien entre le titre prometteur et le contenu du programme est tellement tiré par les cheveux qu'il n'y a même pas lieu de s'y attarder.

Ensuite, ledit programme nous ramène le même menu éculé de petits concertos plus ou moins pareils pour deux flûtes, deux hautbois, deux cors, etc., et de pièces diverses, le tout signé des petits maîtres Pergolesi ou Boccherini, Wassenaer ou Heinichen, auprès desquels Vivaldi fait figure de génie.

Pis encore, les exécutions sont routinières et même pas toujours irréprochables. Ainsi, les cors naturels sont tellement exécrables qu'on croit assister à une parodie. Je signale cependant quelques séquences jouées avec une rare délicatesse et d'exquises nuances.

La chef-violoniste annoncée, la Britannique Elizabeth Wallfisch, a été déclarée malade. Il faut deux hommes pour la remplacer: Dmitry Sinkovsky, violoniste russe qu'Arion a déjà reçu, et un vieil habitué de la maison, le violoncelliste néerlandais Jaap ter Linden. Sans se lever de leur siège, l'un et l'autre indiquent quelques départs et arrivées, rien d'autre.

Sinkovsky, unique soliste du concert, joue notamment deux concertos de Vivaldi; dans le second, il s'engage à une vitesse folle dans une cadence qui semble ne jamais devoir finir. Machine à jouer du violon, sa virtuosité est considérable. Hélas! son mauvais goût l'est aussi. Sorte d'«André Rieu du baroque», il cabotine, replace sa queue de cheval, sourit de toutes ses dents aux premières rangées, tel un violoneux de foire. Malgré son indéniable technique, il lui arrive de grincer et de jouer faux, ce qui n'empêche aucunement l'auditoire de l'ovationner debout à grands cris.

Dieu soit loué, il n'y eut pas de rappel.

ORCHESTRE BAROQUE ARION.

Soliste: Dmitry Sinkovsky, violoniste.

Hier soir, salle Bourgie du Musée des beaux-arts; reprise ce soir, 20 h, et demain, 14 h.

Conférence de Lucie Renaud 45 minutes avant le concert.

Dans le cadre de Montréal en Lumière.