Après avoir conquis la France, l'auteur, compositeur et interprète britannique Charlie Winston peut ajouter le Québec à son tableau de chasse, comme en témoigne l'accueil enthousiaste que lui ont réservé ses fans montréalais vendredi et samedi soir derniers, au Théâtre Corona. Mais comment se fait-il que Winston ait tant de succès dans les territoires francophones, mais aucune reconnaissance auprès des Anglos?

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Nous lui avions posé la question au printemps 2010, à l'occasion de son premier concert à Montréal. À l'époque, l'auteur de Like a Hobo était déjà une superstar en France, et l'écho de son succès s'était rendu jusqu'à nos berges. Deux ans et un troisième album plus tard (Running Still, paru en novembre sur le label Real World de Peter Gabriel), son charme a opéré sur l'auditoire québécois, qu'il a beaucoup visité ces derniers jours, mais la question demeure sans réponse.

Allez, on se risque à en trouver une à la lumière du spectacle qu'il nous a offert. Commençons par le type même. Un dandy, une personnalité plus colorée, plus racoleuse aussi, que celle d'un Jack Johnson auquel on peut musicalement le comparer. Simple, sympa et chaleureux sur scène. Un performeur sans artifices, sinon cette éternelle cravate dénouée autour du cou.

Son répertoire? Like a Hobo reste son plus grand hit - lorsqu'un fan la réclame à la sixième chanson, Winston craque un sourire: «Patience, boy!», lui répond-il. Les nouvelles chansons sont du même moule que celles de l'album Hobo: Wild Ones en ouverture, mue par un rythme syncopé qui donne des ailes à l'harmoniciste, lance en force son tour de chant. La mélodramatique Hello Alone plaît déjà, les fans la saluant bruyamment dès les premières mesures. Passé au piano pour The Great Conversation, Winston cite le fameux Für Elise de Beethoven sur le bridge.

Il revient ensuite aux tons pop de Hobo, improvisant un beatbox pour Kick the Bucket. On a déjà là toute l'étendue du spectre musical de Winston, qui passe d'une pop moderne à des riffs de blues rock, en touchant à la chanson folk et au funk. Quelque part dans ce registre d'influences qui plaisent à tous, une signature bien personnelle et un sens du spectacle qui fait mouche - sa petite démonstration de danse pendant In Your Hands se terminera dans un bain de foule et un nuage d'écrans de téléphones portables qui croquent la scène.

Son orchestre s'acquitte fort bien de sa tâche, et la soirée s'enflamme. Puis, vers la fin du concert, une invitée-surprise vient confirmer la solidité des liens que Charlie Winston a tissés avec le public québécois: la percussionniste Mélissa Lavergne, acolyte de Normand Brathwaite à l'émission Belle et Bum, vient tambouriner sur Until You're Satisfied.

Like a Hobo, évidemment, sera servie au rappel, mais c'est surtout sa reprise d'Au Suivant qui nous intéresse. En entrevue en 2010, le chanteur évoquait parmi ses influences celles des grands de la chanson française, Brel en premier lieu. Winston a depuis appris un peu mieux notre langue, mais s'attaque avec un détachement qui se comprend au classique du Belge. Version un peu trop carrée, mais honnête, qu'on prend comme un grand merci à nous de la part du chanteur british.

Un mot en terminant sur Current Swell, jeune groupe pop-blues-rock originaire de Victoria. Galvanisé par sa récente victoire au PEAK Performance Project - un concours de la relève organisé par une station de radio de son patelin -, le quatuor a mis du temps à faire la démonstration de son énergique présence, mais, au bout d'une quarantaine de minutes de rock sincère, il nous avait gagnés.