La notice biographique de Matan Porat associe ce pianiste et compositeur israélien de 29 ans à plusieurs grands noms actuels de la musique. Murray Perahia lui enseigna le piano et George Benjamin, la composition. Carnegie Hall, Marlboro et Ravinia l'ont reçu. Daniel Barenboïm l'a accompagné à l'orchestre. Les frères Capuçon ont joué avec lui. Maria Joâo Pires, Kim Kashkashian et Elena Bashkirova lui ont commandé des oeuvres. Néanmoins, c'est un parfait inconnu qu'une cinquantaine de personnes accueillaient au Bon-Pasteur vendredi soir.

Maxime McKinley avait invité Matan Porat à la petite «série contemporaine» qu'il y  présente en tant que «compositeur résident». M. McKinley interviewa brièvement le visiteur avant le récital. Questions en français, réponses en anglais. Dans ce cas-ci, il n'y a pas lieu de pousser les hauts cris, M. Porat étant de passage. Il avait programmé une pièce de lui (charité bien ordonnée...) et, en «première mondiale» s'il vous plaît, une pièce de M. McKinley (politesse oblige).

Le programme fut particulièrement éprouvant pour le Fazioli de la Chapelle, dont la remise à neuf est encore récente. Le pianiste le martela sans répit d'accords extrêmement violents dans Shiraz de Claude Vivier, laissant tomber ses feuilles de musique une à une dans le feu de l'action, frappa dans le piano en criant toutes sortes de choses dans la pièce de McKinley, renchérit dans sa propre pièce -- qu'il a osé intituler ...for piano -- en se levant sans cesse pour aller, tel un enfant, jouer dans les cordes ou y placer différents objets qui modifiaient le son. Un gag servi à satiété et qui ne veut plus rien dire.

La pièce de Vivier, qui fait 16 minutes, fut la plus intéressante de la soirée, avec, d'Ana Sokolovic, les Danses et interludes, d'une durée plus raisonnable, inscrits dans le cadre de la présente saison-hommage centrée sur cette Montréalaise d'origine serbe. La compositrice alla saluer le pianiste mais, interrogée, me confia que l'exécution avait été...«différente». En tout cas, le pianiste tira de la pièce des effets sonores que je ne me rappelle pas y avoir entendus.

Comme pianiste, Matan Porat s'est révélé un technicien très fort, avec des doigts extrêmement déliés et incisifs, une infinie variété dans la dynamique et une endurance peu commune. Tant de qualités ne changent cependant rien à la majorité des pièces entendues, qui se ramènent à une pure perte d'énergie et de temps. Ainsi, quel insignifiant machin que ce MM 51 de l'amuseur Kagel. Le pianiste y «dialogue» avec un métronome, lance des «ha!ha!ha!ha!ha!ha!» en jouant et termine en faisant semblant de s'étrangler. Cette musique - un bien grand mot! - n'entrera jamais au répertoire. Alors, pourquoi se donner la peine ?...

Quoi qu'il en soit, M. Porat prolonge de quelques heures sa «présence sur nos terres», pour citer le communiqué de la Chapelle, et y donne un deuxième récital dimanche, 15 h 30. Cette fois: 19 pièces, de Scarlatti à Boulez, enchaînées pour une durée d'une heure exactement. À cette heure-là, je serai au Messie de Handel.

___________________________________

MATAN PORAT, pianiste.

Vendredi soir, Chapelle historique du Bon-Pasteur.