Le Nouvel Ensemble Moderne clôturait sa 22e saison en avril devant quelque 125 auditeurs et entreprenait sa 23e mercredi soir avec, cette fois encore, quelque 125 auditeurs, probablement les mêmes, à quelques exceptions près.

«Dommage qu'il n'y ait pas plus de gens intéressés...», se plaignait un membre de l'équipe du NEM. Je réponds qu'il faudrait trouver un moyen d'intéresser le public à la musique d'aujourd'hui.

Il y a un malaise, cela est certain. Je suis convaincu qu'il existe des solutions. Hélas! je suis également convaincu d'une chose: ceux qui mènent le secteur de la musique dite «moderne» en cette ville ne veulent absolument rien entendre des suggestions qui pourraient venir d'un milieu autre que le leur.

J'ai une réelle affection pour Lorraine Vaillancourt qui, à 64 ans qu'elle ne paraît pas du tout, continue de maintenir en vie ce NEM qu'elle a fondé il y a près d'un quart de siècle. Mais je pense qu'elle a fait fausse route avec cette musique chinoise rapportée d'un récent festival de Shanghai auquel le NEM participait.

La première pièce est un «concerto» pour pipa, petit instrument à quatre cordes qu'on appelle «luth chinois» et que je décrirais plutôt comme une sorte de «banjo raffiné». Une demoiselle tout en blanc en joue délicatement, comme si elle tenait un enfant dans ses bras. Spectacle touchant. Mais le mélange du pipa et des autres instruments n'offre pas la moindre originalité. Dieu merci, la soliste rompt l'ennui avec un rappel virtuose, plein d'étonnants effets sonores qu'on aurait dû entendre dans la pièce principale.

L'autre pièce chinoise comprend quatre parties dont chacune est un peu plus caractérisée. Un peu...On entend là quelques miaulements, des bruissements d'instruments et, tout à coup, une voix préenregistrée, à laquelle se mêle celle d'un bébé que sa maman a décidé d'initier au NEM. Bébé mis à part, l'impression est encore la même: c'est beaucoup trop long.

Après avoir indiqué que le concert était donné à la mémoire de Maryvonne Kendergi, Mme Vaillancourt enchaîna avec une pièce d'un habitué de la maison, John Rea, qui fait référence à une autre disparition en musique contemporaine, le compositeur Gérard Grisey. Que Rea ait plus de talent que les deux Chinois, c'est l'évidence même. Ici, en 17 minutes, il semble nous raconter plusieurs histoires, successivement ou simultanément.

La meilleure pièce de la soirée reste cependant la dernière, une création de Philippe Leroux, commande du NEM. Professeur à McGill depuis septembre, le compositeur français, invité à dire quelques mots sur sa pièce, parle de «folie de la vie» et de «folie de la mort». Le résultat est en accord: multipliant aux instruments des agrégats très colorés, des bruits qui ne leur sont pas particuliers et des dissonances exprimant l'angoisse avec une extrême finesse.

J'ai parlé plus haut de suggestions. J'ose en faire une. Le NEM aiderait le public à se rapprocher de cette musique nouvelle en lui offrant un programme facile à consulter pendant le concert, pour un éclaircissement, une précision. Car il faut se rappeler deux choses: a) les gens ne lisent pas le programme avant le concert; b) ils n'écoutent pas tous passivement... Dans le programme de ce premier concert, les textes étaient en caractères très légers sur fond gris... Qu'on essaie de lire cela dans la demi-obscurité!

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NOUVEL ENSEMBLE MODERNE. Dir. Lorraine Vaillancourt. Soliste : Jing Yang, pipa.

Mercredi soir, salle Claude-Champagne de l'Université de Montréal.

Programme :

Accident : Tombeau de Grisey (2004) - John Rea

Spring, River and Flowers on a Moonlit Night, pour pipa et 15 musiciens (2006) - Deqing Wen

Le Mirage de Lamu, avec traitement électronique (2004) - Xu Shuya

...Ami...Chemin...Oser...Vie... (2010-11) (création) - Philippe Leroux