À leur tour, les Violons du Roy ont fait leur entrée à cette Maison symphonique qui, décidément, sonne mieux que son nom. Bernard Labadie avait bâti autour de Karina Gauvin ce premier programme de la 27e saison des Violons, ovationné par quelque 1 000 personnes.

Pour les besoins du programme, donné la veille à Québec, M. Labadie avait doublé son ensemble de 13 cordistes et l'avait augmenté de bois, cuivres et timbales, formant ainsi un grand orchestre classique de 39 musiciens (dont plusieurs venus des formations montréalaises).

Karina Gauvin reprit trois airs de son disque ATMA de 2008 consacré Nicola Porpora. Ce contemporain et rival londonien de Handel composa quelque 50 opéras; il fut aussi un grand professeur de chant et forma notamment le castrat Farinelli. Mme Gauvin ajouta un quatrième air, de Mozart. L'ordre des quatre airs fut cependant modifié.

Chantant avec la partition, qu'elle consultait à peine, Mme Gauvin ouvrit son programme avec un premier Porpora, Ezio, soulignant le désarroi de la malheureuse Fulvia en variant la couleur vocale, selon les mots, appuyée sur un orchestre au relief absent de l'ensemble d'Alan Curtis entendu au disque.

Une autre page désespérée de Porpora suivait, cette fois de Polifemo, où Galatée découvre le corps de son bien-aimé Acis écrasé par le Cyclope. La pièce est répétitive et interminable. L'interprète y atteignit pourtant une réelle émotion, en même temps qu'elle étonna par son souffle et sa virtuosité. Elle accorda un peu de repos à sa voix avec l'air tranquille, et bien nommé, d'Il Re pastore de Mozart, reprenant le charmant rôle du berger Aminta créé par un castrat.

Également créé par un castrat, célèbre cette fois puisqu'il s'agit de Farinelli, le personnage troublé d'Adélaïde, reine d'Italie, inspira à Porpora un air tumultueux que la chanteuse traversa avec son habituelle et spectaculaire virtuosité. Par ses harmonies imitatives, l'orchestre, ici encore, se montra supérieur à celui du disque.

Labadie ouvrait et fermait le programme avec, respectivement, une aimable symphonie du petit maître Henri-Joseph Rigel, conçue dans l'ombre de Haydn, et la célèbre Symphonie no 101, dite L'Horloge, du grand modèle. Dans le Rigel, les deux Allegros extrêmes sont lancés à un tempo très rapide, mais non précipité. Au Largo médian, la nouvelle acoustique découvre des nuances de dynamique qu'on n'entendrait certainement pas ailleurs.

Le Haydn débute par une introduction lente. Curieusement, on monte la lumière de la salle en même temps que jaillit le Presto, 24 mesures plus loin! Labadie apporte au mouvement suivant -- dont le tic-toc a donné son surnom à la symphonie -- un humour qui nourrit jusqu'à la pleine mesure de silence précédant le retour du premier sujet. L'humour devient involontaire, mais passager, lorsque la flûte se trompe en attaquant le trio du Menuet. Le finale, où les deux groupes de violons ont souvent des choses très différentes à jouer, aurait bénéficié de leur placement de chaque côté du podium.

En terminant, M. Labadie se dit heureux de la nouvelle salle et fit revenir Mme Gauvin pour un rappel: «Deh vieni, non tardar», des Nozze di Figaro.

LES VIOLONS DU ROY. Chef d'orchestre: Bernard Labadie. Soliste: Karina Gauvin, soprano. Samedi soir, Maison symphonique de la Place des Arts.

Programme:

Symphonie en do mineur, op.12 no 4 (1774) - Rigel

Récitatif et air de Fulvia: «Misera, dove son?...Non son io che parlo», de l'opéra Ezio (1727) - Porpora

Récitatif et air de Galatée: «Aci, amato mio bene...Smanie d'affanno», de l'opéra Polifemo (1735) - Porpora

Air d'Aminta: «Aer tranquillo e di sereni», de l'opéra Il Re pastore, K. 208 (1775) - Mozart

Air d'Adélaïde: «Nobil onda», de l'opéra Adelaide (1723) - Porpora

Symphonie no 101, en ré majeur, Hob. I:101 (L'Horloge (1794) - Haydn