La liste des étudiants composant l'Orchestre symphonique de McGill cette saison comprend plus de 150 noms. Tous ne participent pas au premier concert de l'année académique cependant, pour la simple raison que la scène de Pollack ne peut recevoir 150 musiciens et leurs instruments. Mais ils sont environ 100, comme toujours, ce qui est plus que suffisant car, chauffés à blanc par leur infatigable chef Alexis Hauser, ils génèrent un volume sonore que la salle peut à peine contenir.

En début de concert, M. Hauser dirige la première Méphisto-Valse de Liszt. La pièce est habituellement entendue au piano, mais il faut savoir que cette version pour piano est venue après la version orchestrale. La feuille remise à la porte - qui remplace le programme habituel en raison de la grève qui paralyse encore une partie de McGill - ne fait aucune référence au bicentenaire Liszt. Tant mieux, et doublement : a) ce morceau brillant mais court (12 minutes) et tapageur constituerait un bien piètre tribut; b) l'hommage souhaité a effectivement été rendu en avril dernier avec la monumentale Faust-Symphonie.

Comme telle cependant, cette Méphisto-Valse est pleinement réussie. Toujours aussi efficace comme «bâtisseur d'orchestre» après quelque 10 ans à McGill, M. Hauser fait surgir devant lui une imposante masse sonore dont se détachent aux archets les mordants accents que le sujet appelle.

J'ignore si la grève est aussi en cause, mais j'ai compté 17 minutes (presque le temps d'un entracte!) pour la seule installation du piano. McGill a invité le gagnant de son Concours de concerto 2011, Charles Richard-Hamelin, qui a aussi remporté le Prix d'Europe en juin dernier, à jouer le populaire deuxième Concerto pour piano de Rachmaninov. Bien qu'il n'ait que 21 ans, M. Richard-Hamelin se révèle déjà pianiste accompli sur les plans de la technique et de la sonorité et, jusqu'à un certain point, de la musicalité. Quelques moments de nervosité et quelques petites fautes sont sans importance : ces choses passeront. Il y a plus grave : l'effort pour paraître expressif, inspiré, est trop évident, avec le résultat que l'ensemble du jeu manque de naturel. Ainsi, le pianiste prend les accords du tout début beaucoup trop lentement, presque comme des valeurs pointées. Le texte dit simplement «moderato». Plus tard, au hasard de ces 37 minutes, des rubatos gratuits ralentissent le discours, même que le chef, malgré sa constante attention, a parfois un peu de mal à suivre le piano.

Après l'entracte, M. Hauser propose la Passacaille et Fugue pour orgue de Bach dans une orchestration de Christopher Phelps, chef de choeur et arrangeur britannique peu connu. Le fameux thème de 15 notes que Bach place à la pédale passe ici aux violoncelles et contrebasses. Ce qui suit, soit 12 minutes, est lourd, voire empâté, et sans réelle différenciation d'une variation à une autre. Le diptyque de Bach a connu plusieurs orchestrations. Celle de Respighi, pour n'en nommer qu'une, offre autrement plus d'intérêt.

On se demande pourquoi M. Hauser est allé chercher cette platitude. En revanche, on lui doit une vision très belle, quasi brucknérienne, de la grande Symphonie en ré mineur de César Franck. La puissance et l'expression conjuguées qu'il obtient des cordes sont étonnantes et quelques premiers-pupitres méritent la plus haute mention, notamment la harpe très fine et le cor-anglais au son bien rond.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE McGILL / McGILL SYMPHONY ORCHESTRA. Chef d'orchestre : Alexis Hauser. Soliste: Charles Richard-Hamelin, pianiste. Mercredi soir, Pollack Hall de l'Université McGill; reprise jeudi soir, 19 h 30.

Programme :

Méphisto-Valse no 1, S. 110 no 2 (1859-60) - Liszt

Concerto pour piano et orchestre no 2, en do mineur, op. 18 (1900-1901) - Rachmaninov

Passacaille et Fugue en do mineur, pour orgue, BWV 582 (1717) - Bach, arr. pour orchestre : Christopher Phelps

Symphonie en ré mineur (1886-1889) - Franck