La nouvelle salle de la Place des Arts, qui vient d'être baptisée La Maison symphonique et que tous (ou presque) ont vue, dans nos pages, à la télévision et ailleurs, est une incontestable réussite d'architecture. On s'y retrouve dans une sorte d'immense vaisseau tout en bois pâle encerclé par trois et même quatre galeries étroites et une multiplicité d'éléments décoratifs, le plus imposant étant le buffet d'orgue qui domine la scène et le choeur.

Mais la grande question concerne non pas ce qu'on voit, plutôt ce qu'on entend, c'est-à-dire l'acoustique, et c'est préférablement à partir d'une musique connue qu'il est possible de l'évaluer. Pour le grand concert d'inauguration de la salle, hier soir, par l'Orchestre Symphonique de Montréal qui sera son principal occupant, Kent Nagano avait choisi la Neuvième de Beethoven.

Tout s'est déroulé rondement: l'orchestre a bien joué, le choeur a bien chanté, les quatre solistes aussi. On se demande simplement pourquoi Nagano les fait entrer (ou plutôt descendre les escaliers du choeur) à différents moments. Par ailleurs, Nagano prend encore le mouvement lent trop vite: «Adagio molto», dit le texte. Peu importe: on était là d'abord pour le son et, à cet égard, le résultat est assez étonnant.

Par rapport à la façon dont l'OSM sonnait à Wilfrid-Pelletier, tout est maintenant plus clair, plus rapproché, plus frais et mieux découpé. Au Scherzo, les variantes de dynamique chez les timbales sont plus fines; on y a même entendu un petit raté des cuivres avant la reprise. Au Finale, le récitatif des violoncelles et contrebasses a beaucoup plus de corps, le contrepoint serré des cordes est plus aéré et, du côté du choeur, la nouvelle acoustique élimine toute stridence et toute surcharge.

Au tout début du concert, le solo de flûte de Timothy Hutchins juché près de l'orgue comportait des effets de lointain et d'autres nuances que l'on perdrait sans doute à Wilfrid-Pelletier. Mais la pièce elle-même, de Gilles Tremblay, est affectée et peut se ramener à un exercice d'école. La pièce de Vivier découvre la même prétention; elle est d'ailleurs assortie de lectures de textes plus ou moins hermétiques. Cette partie du programme n'a certainement pas aidé la cause de la musique contemporaine, même qu'on avait envie de lancer: «C'est pour ça qu'on a construit une nouvelle salle? ...»

Peu à dire sur la création de Julien Bilodeau, commandée par l'OSM pour la circonstance. C'est de la bonne musique de circonstance, justement: bruyante, accessible et même plutôt tonale. Nagano a invité sur scène l'auteur ainsi que Gilles Tremblay, qui a eu 79 ans mardi.

Annoncé pour 18h, l'événement a commencé avec huit minutes de retard et s'est terminé à 20h18. Le va-et-vient des terrifiantes grues de télévision, quelques étranges bruits extérieurs (malgré l'étanchéité promise) et un ou deux téléphones cellulaires ont dérangé l'audition. Dommage car la nouvelle salle commençait bien sa vie devant un auditoire où personne n'applaudissait entre les mouvements!

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre Kent Nagano. Choeur de l'OSM et Tafelmusik Chamber Choir (dir. Ivars Taurins). Solistes: Erin Wall, soprano, Mihoko Fujimura, mezzo-soprano, Simon O'Neill, ténor, Mikhaïl Petrenko, basse, et Timothy Hutchins, flûtiste. Lecteurs: Andrée Lachapelle, Chloé Sainte-Marie, Marc Béland et David Usher. Hier soir, Maison symphonique de la Place des Arts. Concert d'inauguration. Reprise vendredi et samedi, 20h.

Programme:

Jesus, erbarme dich, pour soprano et choeur a cappella (1974) - Vivier

Envol: Alléluia, pour flûte seule (1984) - Tremblay

Qu'un cri élève nos chants! , pour orchestre (2011) (création) - Bilodeau

Symphonie no 9, ré mineur, avec voix solistes et choeur, op. 125 (1817-25) - Beethoven