Henry Kramer, pianiste américain de 24 ans, avait remporté le troisième prix au Concours international de Montréal de juin dernier. Le récital qu'il vient de donner à la Maison Trestler confirme sa position au palmarès.

M. Kramer reprenait la majeure partie du programme qu'il avait présenté au concours, soit le Haydn, le Ravel et le Beethoven; seul le Schumann était nouveau. Par ailleurs, ces quatre oeuvres ainsi que deux concertos figurent au programme qu'il proposera le mois prochain au prestigieux Concours Busoni de Bolzano.

Sur le plan technique, le jeune homme n'éprouve aucun problème. Les sonates de Haydn et le triptyque Gaspard de la Nuit de Ravel exigent, bien qu'à des points de vue très différents, une maîtrise absolue de l'instrument.

Cette maîtrise, M. Kramer la possède. Le premier mouvement du Haydn est pris à la grande vitesse que demande l'indication «Presto» et, pourtant, on ne perd pas une note. Dans le Ravel, l'atrocement difficile Scarbo, le morceau final, trouve le pianiste exactement où il doit être, c'est-à-dire les deux mains courant avec fureur partout à la fois sur le clavier.

De la technique, donc, et, en même temps, une grande sonorité de piano, puissante et subtile, que sert tout à fait le nouveau Fazioli de Trestler.

Néanmoins, le récital ne fut pas pleinement satisfaisant. Une partie du programme était en cause. La sonate de Haydn que M. Kramer avait choisie n'est pas des plus intéressantes et l'op. 90 en deux courts mouvements de Beethoven laisse l'auditeur sur son appétit. Le Haydn reste ce qu'il est. Mais le pianiste n'a rien tiré du Beethoven alors que d'autres en font quelque chose.

Comme interprète, il fut plus heureux dans le Ravel et le Schumann. Il a recréé jusqu'à un certain point l'atmosphère étrange de chacun des trois morceaux qui composent Gaspard de la Nuit et retrouvé en grande partie la folie qui habite Kreisleriana de Schumann. Mais on ne saurait encore parler de grandes interprétations, non plus que de grand pianiste. Dans quelques années, peut-être.

M. Kramer a lui-même présenté son programme, dans sa langue, après le commentaire habituel de Dominique Morel.

HENRY KRAMER, pianiste. Maison Trestler de Vaudreuil-Dorion, mercredi soir, en collaboration avec Pianos Bolduc.

Programme :

Sonate no 53, en mi mineur, Hob. XVI:34 (1781) - Haydn

Gaspard de la Nuit (1908) - Ravel

Sonate no 27, en mi mineur, op. 90 (1814) - Beethoven

Kreisleriana, op. 16 (1838) - Schumann