Pour leur deuxième concert en autant de soirs, samedi à l'Hippodrome, Bono et sa bande ont changé un peu les ingrédients, mais gardé la même recette.

Ainsi, l'irrrésistible I Will Follow a été remplacée par une autre chanson de jeunesse, Out Of Control, pendant laquelle les masses au parterre tapaient des mains à l'unisson. Du haut de la section 117, c'était franchement impressionnant. Les fans ont chanté avec Bono et The Edge la toujours belle New Year's Day, mais ils ont dû se passer d'un autre classique, Pride (In the Name of Love). L'hymne I Still Haven't Found What I'm Looking For a cédé sa place à Stuck In a Moment You Can't Get Out Of en version acoustique, dédiée au regretté Michael Hutchence, du groupe INXS. Et Stay (Faraway, So Close) et Hold Me, Thrill Me, Kiss Me, Kill Me ont disparu au profit de All I Want Is You et Ultraviolet. Un échange bon pour les deux équipes.

Bono était un peu moins volubile samedi sans doute parce que, comme il l'a expliqué au public assez tôt dans la soirée, le spectacle était diffusé en direct sur le site web du groupe et qu'il lui fallait parler plus souvent en anglais. Ce qui ne l'a surtout pas empêché de dire au public, en français, des choses comme «c'est votre tour de vous laisser parler d'amour» ou, au moment des adieux, «vous êtes incroyables, vive la différence, vive Québec!»

Oui, Bono sait flatter ses fans dans le bon sens. Ses amis The Edge, Clayton et Mullen qu'il avait présentés la veille comme la famille royale irlandaise étaient devenus, Montréal et le Cirque du Soleil obligent, des artistes de cirque, Bono se réservant le rôle de clown. Et si vendredi, il avait fait un coup de chapeau discret au poète montréalais Leonard Cohen, que U2 vénère, en glissant quelques mots de sa chanson Anthem dans Until the End of the World, il a rappliqué le lendemain en chantant avec la foule Hallelujah du même Cohen avant Where the Streets Have No Name.

Comme la veille, Bono et The Edge sont allés rendre visite à quelques reprises aux spectateurs assis derrière la scène et Bono a souvent joué pour la caméra. L'actrice Julia Roberts a dû apprécier, elle que le chanteur a saluée en tant que participante de la campagne de ONE, l'OSBL qu'il a cofondée dans le but de lutter contre la pauvreté extrême et la maladie, surtout en Afrique.

Parfois, le hasard fait tellement bien les choses que si U2 les avait mises en scène, il n'aurait probablement pas fait autrement. Je pense à ce monsieur barbu coiffé d'un turban qui est monté avec Bono sur la passerelle pour scander vigoureusement «let me in the sound» pendant Get On Your Boots. Et à ce tout jeune garçon qui a eu lui aussi son moment de gloire quand Bono l'a pris dans ses bras et l'a transporté dans ce décor de science-fiction pendant Elevation. C'était le moment Rencontres du troisième type.

Autre constat. Il arrive parfois que des chansons de U2, de Bad à Walk On, prennent une autre dimension en spectacle et accèdent au rang de classiques. La tournée 360° aura fait la preuve qu'aucune chanson du dernier album No Line On the Horizon n'est de ce calibre, en tout cas pas les trois retenues pour ces deux concerts (Get On Your Boots, I'll Go Crazy If I Don't Go Crazy Tonight et Moment of Surrender) qui ne produiront jamais l'électrochoc de leurs consoeurs du XXIe siècle Beautiful Day et Vertigo.

Enfin, s'il est vrai que l'accès à l'Hippodrome était compliqué -parlez-en à ceux qui ont mis une éternité à rentrer chez eux sous la pluie battante vendredi-, on ne dira jamais assez combien l'idée de présenter les deux concerts des Irlandais à cet endroit était lumineuse. Le stade aménagé exprès pour l'occasion était vraiment beau à voir tout autour du spectaculaire dispositif scénique de U2 qui, disons-le, n'aurait pas tenu ailleurs.

Surtout, après les ajustements des premières chansons, la sono était quasi parfaite. Rien à voir avec le Stade olympique où, en 1992, les spectateurs assis au parterre avaient constaté, impuissants, que le solo de guitare de Sunday Bloody Sunday leur passait quelques mètres au-dessus de la tête.

Le stade de U2, lui, nous laissera de bons souvenirs.