Le choix de Das Rheingold comme programme d'adieu de l'Orchestre Symphonique de Montréal à la salle Wilfrid-Pelletier n'est peut-être pas un hasard.

Cet Or du Rhin, premier volet de la Tétralogie de Wagner, représente un parcours ininterrompu (et donc sans entracte) de deux heures et demie qui débouche sur le dévoilement du Walhalla, le palais des dieux construit sur les ordres de Wotan, le plus puissant d'entre eux.

Il est permis de voir là un symbole. Das Rheingold finit sur l'entrée des dieux dans leur nouvelle demeure. Sans aller jusqu'à comparer Kent Nagano et ses musiciens à des dieux, j'ai pris un certain plaisir à voir ce concert final de l'OSM à W.-P. comme une transition entre cette salle qu'il occupe depuis près d'un demi-siècle (depuis 1963) et celle où il s'installera le 7 septembre pour un tout nouveau chapitre de son histoire.

Le scénario abracadabrant imaginé et mis en musique par Wagner, lui-même considéré en maints milieux comme «dieu de la musique», est assez familier: la nouvelle production de Robert Lepage au Met a fait le tour des cinémas et, dès 2000, l'Orchestre Métropolitain avait devancé l'OSM dans la même salle avec une telle version concert de l'oeuvre.

Cette fois cependant, il s'agit presque d'une version demi-scénique: entrées, sorties, déplacements, attitudes et gestes sont pour ainsi dire ceux de la scène, de même que certains costumes.

De la distribution principalement américano-européenne se détachent d'abord la puissante silhouette et la grande voix de basse du Noir Morris Robinson en géant Fasolt, le tandem tragicomique de Eike Wilm Schulte et Wolfgang Ablinger-Sperrhacke en perfide Alberich et son souffre-douleur de frère, Nikolai Schukoff, qui a exactement la voix et le geste de l'équivoque Loge, et les trois Filles du Rhin, aux voix bien harmonisées, avec mention spéciale au timbre de la mezzo Allyson McHardy.

Laurent Alvaro, entendu ici en 2008 dans Saint François d'Assise de Messiaen, remplaçait le Wotan annoncé et a appris le rôle «en très peu de temps», nous informe le programme. Cette hâte est moins évidente cependant que l'absence à peu près totale de dimension vocale chez ce Wotan petit format et quasi inexistant, qui aurait dû refuser l'invitation. Wendy Bryn Harmer, Freia rescapée de la version Lepage du Met, pousse une voix métallique, alors que Anke Vondung se rapproche davantage du grand style vocal wagnérien en noble Fricka, l'épouse de Wotan.

Dans de petits rôles, les Montréalais Antonio Figueroa et Alexandre Sylvestre complètent très honorablement le plateau. Phillip Ens est solide lui aussi, vocalement, mais les deux mains jointes, sur la poitrine, lui donnent un air de curé.

Nagano et l'OSM font vibrer la salle, inévitablement, dans des passages comme la descente vers la forge souterraine d'Alberich, mais, trop souvent, direction et accompagnement sont routiniers et même faibles.

DAS RHEINGOLD, opéra en un acte (quatre tableaux), livret et musique de Richard Wagner (1869). Orchestre Symphonique de Montréal. Dir. Kent Nagano. Version concert, avec mise en espace de François Racine. Avec surtitres français et anglais. Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, hier après-midi. Reprise demain, 19h30. Dans le cadre des Soirées Signature.