Depuis quelques mois, Adele Adkins est la reine des palmarès des deux côtés de l'Atlantique. Pourtant les fans inconditionnels et les curieux qui se sont entassés dans l'Olympia hier soir vous le diront : le succès n'a pas changé la chanteuse britannique de 23 ans. C'est avec sa voix exceptionnelle qu'elle a conquis la planète, mais c'est aussi grâce à son naturel et sa spontanéité qu'elle a séduit sans peine le public montréalais.

Adele (prononcez É-del) n'est pas vraiment une bête de scène. Elle ne bouge pas beaucoup, même qu'elle chante assise pendant le tiers du spectacle, surtout des ballades qui mettent en valeur la puissance et la justesse de sa voix. Pendant 80 minutes, elle pigera dix chansons dans son récent album, 21, cinq dans le précédent, 19, et étonnera en empruntant une chanson à un groupe bluegrass de Nashville que lui a fait connaître le chauffeur de son car.

Réclamée par un public fébrile, Adele apparaît côté cour et, accompagnée de son pianiste, elle se met à chanter Hometown Glory. Le charme opère avant même que le rideau noir derrière tombe pour laisser voir quatre autres musiciens et deux choristes dans un décor - un grand rideau, une vingtaine d'abat-jour et une boule disco - qui suggère que le temps s'est arrêté quelque part au siècle dernier.

Le public montréalais, dont elle dit «sans mentir» qu'il est le meilleur de sa tournée, manifeste son enthousiasme avec une telle énergie qu'on a parfois peine à entendre ce que la chanteuse raconte entre les chansons. Mais on comprend rapidement qu'Adele est un grand livre ouvert qui parle aussi bien de sa manie de chanter couchée par terre quand elle est bien bourrée que de sa grande copine avec qui elle vient de renouer après un froid de quelques années (My Same), et qui nous explique que «l'incroyablement triste» Take It All lui a valu une rupture amoureuse mais qu'elle demeure sa chanson préférée.

Adele estime qu'avec le recul, elle peut aujourd'hui mieux parler des affres de l'adolescence. Sa voix est troublante, elle chante parfois à s'en déchirer l'âme mais sans effort apparent, pourtant tout dans son comportement - sa gestuelle un peu gauche, ses éclats de rire répétés - trahit la jeunesse de cette femme qui chante Lovesong parce que The Cure était le groupe préféré de sa mère...

Elle est ravie que depuis 21 son répertoire compte un peu plus de chansons rythmées mais elle ajoute aussitôt qu'elle danse comme un pied. Il est vrai que ses chansons plus entraînantes (Set Fire To The Rain et les irrésistibles Rumour Has It et Rolling in the Deep, fondues dans un même moule) sont les bienvenues dans ce concert qui, autrement, manquerait un peu de dynamisme. Pourtant, c'est une ballade qui nous a valu le grand moment de la soirée, cet instant rarissime où un artiste et son public communient vraiment.

Ça s'est passé au rappel. Après nous avoir raconté qu'elle avait écrit Someone Like You en apprenant que son ex venait de se fiancer et que cette chanson avait changé sa vie parce qu'elle avait forcé son entourage à poser un regard différent sur elle, Adele l'a chantée seule avec sa guitare acoustique comme elle l'avait composée jadis, assise dans son lit. Puis son pianiste l'a rejointe, elle a repris la chanson depuis le tout début et les spectateurs l'ont accompagnée, chantant avec une force et une intensité à donner des frissons.

Ce public en état de grâce avait également réservé un accueil exceptionnellement chaleureux au duo The Civil Wars en début de soirée. Un gars de l'Alabama, John Paul White, et une fille de la Californie, Joy Williams, dont les voix se complètent magnifiquement et qui ont en plus du charisme et de l'humour. Ils s'étaient gagné de nouveaux fans bien avant de nous livrer des relectures originales de Dance Me To The End of Love de Leonard Cohen et Billie Jean de Michael Jackson. On va sûrement entendre parler d'eux.