Montréal/Nouvelles Musiques de cette année souligne le 50e anniversaire d'un autre festival, la Semaine internationale de musique actuelle qui, organisée par Pierre Mercure à l'été 1961, marqua l'entrée ici de la musique dite «moderne».

MNM 2011 ne se limite pas à rappeler cet événement fondateur. Vendredi soir, à la Cathédrale anglicane du centre-ville, parmi quelque 400 auditeurs, il ressuscitait Atlas Eclipticalis, l'oeuvre que Mercure avait commandée pour l'occasion à John Cage, le champion américain de l'avant-garde musicale, et dont Cage était venu diriger la création le 3 août à la Comédie-Canadienne (aujourd'hui le TNM).

Selon un procédé que Cage (mort en 1992) était probablement le seul à comprendre, l'oeuvre peut être jouée en même temps qu'une autre du même auteur. En 1961, Cage avait incorporé sa Winter Music de 1957 à sa composition inédite. Même formule vendredi, où le «programme double Cage» rassemblait 26 instrumentistes choisis par le Vivier, nouvel organisme axé sur la musique actuelle.

Partitions «ouvertes», Atlas Eclipticalis peut réunir jusqu'à 86 musiciens d'orchestre et Winter Music, jusqu'à 20 pianistes. Cette fois, on s'était limité à 26 participants. Pierrette Gingras, la directrice générale du Vivier, dut prendre le micro pour corriger certains points. Le programme imprimé indiquait 40 minutes à côté du titre de chaque oeuvre, soit 80 minutes au total. Or, comme les deux oeuvres étaient jouées en même temps, le tout n'allait durer que 40 minutes. Et, en fait, le tout dura, très exactement, 40 minutes.

Le programme annonçait aussi que Catherine Meunier jouerait Winter Music au vibraphone. Erreur : la pièce fut jouée par Brigitte Poulin au piano. Quant aux musiciens qui se partageaient Atlas Eclipticalis, il s'agissait de nos deux quatuors spécialisés en contemporain, soit les Molinari et Bozzini, et de membres d'autres ensembles comme le NEM, Sixtrum, Quasar et Transmission.

La plupart des 26 musiciens étaient rassemblés dans le choeur; les autres, tout autour de la nef. Au centre, sur une petite élévation, et tel une horloge, le chef Fabrice Marandola indiquait par des mouvements circulaires des deux bras le temps qui passe. Un demi-siècle plus tard (ouf!), je revois John Cage faire les mêmes gestes. Mais toute trace des sons entendus à ce moment-là a disparu de mes souvenirs. Même chose pour les deux auditions subséquentes: 1971 à la SMCQ, 1975 à l'Atelier Laboratoire de l'UdM.

Vendredi soir, les notes de programme parlaient de «ciel étoilé d'une lenteur immuable mais toujours en mouvement», de «cartographie stellaire», de «voûte céleste», et quoi encore. J'envie ceux et celles qui, autour de moi, écoutaient les yeux fermés, comme en extase. En ce qui me concerne, l'expérience s'est ramenée à une succession prétentieuse, vide et interminable de petits sons isolés venant d'un peu partout, sans lien entre eux, et ne créant absolument pas l'effet promis - de petits sons que finalement n'importe quel musicien un tant soit peu doué pourrait imaginer.

Il suffit que l'agitateur Cage, déjà l'auteur d'une pièce silencieuse pour piano (!), mette son nom sur quelque chose pour que l'on crie au chef-d'oeuvre.

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ENSEMBLE INSTRUMENTAL. Dir. Fabrice Marandola. Vendredi soir, Christ Church Cathedral. Dans le cadre de Montréal/Nouvelles Musiques.

Programme: Atlas Eclipticalis (1961-62)/Winter Music (1957) - John Cage