Jolie soirée d'hiver à laquelle nous conviait Jérôme Minière, auteur d'un des meilleurs albums de chanson pop d'ici de l'année, Le Vrai, le faux, paru cet automne. La Tulipe était bondé de fans venus assister à la première de son nouveau spectacle, une première réussie, mais prudente, jusqu'à ce qu'il laisse tomber la chemise en tous cas, en fin de performance.

Prudente? Évidemment, c'est la nature de la bête. La hantise des premières, des chansons qu'on « casse » devant public. Jérôme n'en est pas à ses débuts, mais revenir sur scène avec du nouveau matériel, c'est un peu une nouvelle naissance, avec ses joies et ses moments fragiles. Le très bon concert d'hier était donc la promesse que la suite sera encore meilleure, plus folle, plus légère.

Oui, plus folle, même si Minière était pareil à lui-même sur les planches de La Tulipe. C'est à dire déjà beaucoup fou, un peu fêlé de nature, drolatique et absurde dans sa mise en scène. C'est Damien Robitaille, attentif vendredi dernier au fond de la salle, qui doit reconnaître chez Jérôme une sorte de frère spirituel...

Le carrousel de diapositives de Jérôme était rempli de ces illustrations enfantines, bonshommes à lunettes qui accompagnaient ses chansons, et le thème du vrai et du faux de l'album. Lors de l'une des premières interventions du chanteur, il s'est appliqué à nous convaincre que nous avions devant nous le faux-Jérôme et son faux-orchestre, et que d'ailleurs d'autres faux-orchestres donnaient la même première, en même temps, en Saskatchewan et à Burlington, mais que le vrai Jérôme était, lui... à Saint-Jérôme. Plus tard, il nous a sorti sa version, crayonnée à la main, de Google Maps.

Tout Le Vrai, le faux, ses onze chansons, s'est retrouvé dans le spectacle, incarné par José Major (batterie), Alex MacMahon (claviers), Denis Ferland (guitares) et Minière, souvent à la guitare, une fois avec une rudimentaire percussion électronique, lorsque sa folie a finit par l'emporter à mesure que l'ambiance se réchauffait.

Côté section rythmique, c'était impeccable. Sans bassiste, MacMahon jouait les lignes au synthé, Major gardait la cadence. Solidement groovy, on reconnaissait l'efficacité pop qui anime les versions studio du récent album. Le tout, cependant, manquait de finition. De relief dans l'arrangement, ce à quoi Minière nous avait déjà habitué sur scène. N'enlevons surtout rien au très bon guitariste qu'est Ferland, mais on en aurait pris un second pour donner plus de profondeur aux grooves. Un genre de Jocelyn Tellier, lâché lousse sur les chansons, qui aurait fourni des ornements aussi fins que ceux qu'on apprécie sur disque.

Mais ne gâchons surtout pas notre plaisir et soulignons le bon travail, et combien Le monde est là est une fameuse composition. Combien, dans le fil narratif de la soirée, Minière sait faire passer sa pop intelligente de l'amusant à l'émotif. Du souriant au grave comme sur Les autres, tiens, terrible, glauque et touchante, suivie de Un magasin qui n'existe pas, où Ferland justement, par son jeu, donnait enfin cette profondeur qu'on a cherché ailleurs dans la soirée.

Puis, vers la fin, l'éternel timide Jérôme Minière est passé de fou à fou furieux, avec son boa rose au cou et ses lunettes fumées, invoquant le disco et le new wave (Histoires d'espion et son intro de clavier en clin d'oeil à Tainted Love) pour faire danser la foule, qu'il a salué une première fois après la musclée Le café Espagnol, en fin de concert. Un petit rappel de trois chansons, et c'en était de la première. La glace cassée, on attend maintenant qu'elle fonde: Minière sera en concert à Québec le 11 février prochain, et on réclame déjà les supplémentaires à Montréal. Ce spectacle n'en sera que meilleur.