Dans son nouveau spectacle Les chemins ombragés, le compositeur et pianiste André Gagnon interprète notamment la mélodie-thème du long métrage Cinéma Paradiso, en compagnie du violoniste Marc-André Gautier. Mais ce n'est pas pour cette raison que cet article est baptisé « Piano Paradiso ». C'est parce que toutes les qualités et toutes les émotions nées de ce grand film se retrouvaient dans le spectacle de Gagnon, présenté vendredi au Monument-National : mélancolie et gratitude, beauté et vulnérabilité, tendresse un peu bourrue et infinie délicatesse. Bref, c'était tout simplement beau.

Cela faisait près de 15 ans qu'André Gagnon n'avait pas fait de tournée, et la clameur qui est montée de la salle, vendredi, témoignait du profond plaisir qu'avaient les gens à le revoir, seul à son piano ou accompagné d'excellents musiciens. Le programme de la soirée est constitué de certains des morceaux les plus inspirés jamais composés par Gagnon (le plus ancien composé en 1972, le plus récent en 2009!), et il les a interprétés avec cette grâce dans les gestes et le jeu qu'on avait oubliés, et avec une élégance sans esbroufe, pour mieux laisser toute la place à la mélodie : pour reprendre les mots d'un de mes voisins de siège, on pouvait « écouter totalement », sans distraction, porté, élevé par la musique. Et comme le spectacle marquait à la fois la sortie de son nouvel album Les chemins ombragés (cinq morceaux... qui sont justement mes préférés sur l'album) et les 35 ans de l'album Neiges (dont il a joué les deux plus beaux airs), on pouvait mesurer à quel point son don de la mélodie a toujours été présent, sur la belle scène adroitement éclairée et décorée, toujours avec bon goût et classe.

Entouré de musiciens particulièrement doués (l'incroyable Marc Beaulieu à l'accordéon, guitare et claviers, Pierre Pépin à la contrebasse, Carla Antoun au violoncelle, Ligia Paquin à l'alto, Mélanie Vaugeois et Chantal Bergeron aux violons), sans compter deux solistes invités, le violoniste Marc-André Gautier et le percussionniste Luc Boivin, André Gagnon a révélé tous les compositeurs qu'il porte en lui : romantique, oui, mais aussi dramatique (magnifique Lorca), mélancolique (Pour ma soeur en allée qu'il a présentée la voix étranglée), inventif (un extrait des Turluteries, qui mariait en 1978 le répertoire de La Bolduc à la musique baroque!), reconnaissant (Petit concerto pour Carignan et orchestre écrit à l'intention du violoneux Ti-Jean Carignan), poétique (Voiles et Pensées fugitives, en particulier), épique (Neiges), souriant (Douce illusion, qu'il a présentée en disant qu'il se rappelait pour quoi il l'avait composée... mais pas pour qui), généreux (Arabesque, qu'il a composée pour Marc-André Gautier, ce dernier interprétant le morceau avec brio), touchant (Le piano de Claude, en hommage à Claude Léveillée)...

La salle était par moments ensorcelée, et même si Luc Plamondon, Diane Dufresne, Renée Claude, Michel Tremblay, Pascale Montpetit et bien d'autres artistes étaient présents pour cette rentrée montréalaise de « Dédé », les spectateurs n'avaient d'yeux que pour l'éternel jeune homme de 67 ans dont les mains ont recommencé à se poser avec tant d'âme sur les touches.

Au rappel, il a assumé absolument tout ce qu'il est en interprétant d'abord Blue Moon que ses frères lui réclamaient quand il était tout jeune étudiant en musique, puis... Wow! Oui, Wow, son grand succès disco était aussi du programme. Interprété par un quatuor à cordes qui se faisaient aller l'archet, les percussions de Boivin, la guitare wah wah, la basse et le piano, c'était vraiment cool. Et ça résumait parfaitement cette soirée : wow.

Tournée Les chemins ombragés d'André Gagnon en tournée au Québec. Infos : andregagnon.net

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