Claire Pelletier, quasi rock? Claire Pelletier, par moments carrément pop sixties? Et jouant de la guitare et de la basse? En pantalon fuseau et dansant avec plaisir? Tout ça en demeurant mélodieuse, fidèle à elle-même et jouant de sa voix comme jamais? Oui, les amis, c'est exactement ce que nous a offert une Claire Pelletier franchement trippante hier, au Gesù!

Faut-il imputer cette fascinante - et précisons-le, fort agréable - transformation à André Papanicolaou (guitares) et à Simon Blouin (batterie) qui se sont greffés au fidèle claviériste Pierre Duchesne? Aux trois choristes extrêmement inventifs (Lana Carbonneau, Vincent Morel et Claude Vallières) qui accompagnent la chanteuse dans ce spectacle baptisé Six, du nom de son plus récent album (le hasard veut d'ailleurs qu'ils soient six derrière elle)? Chose certaine, c'est comme si Claire Pelletier s'était à la fois défaite de son image de «choriste qui est devenue soliste» et de son côté folk poétique, sans pour autant renier le folk et la poésie - oui, il y en a dans ce spectacle, mais revivifiés.

Et puis, je ne me souviens pas l'avoir entendue chanter avec autant de liberté, ni même dans un registre aussi haut, naturellement, organiquement, enfin dégagée de son image traditionnelle et de ses longues jupes. Elle parle toujours des beautés de ce monde, du Nunavik ou de Kamouraska, de l'importance de protéger notre Terre. Mais elle est enfin la musicienne complète qu'elle est et la chanteuse douée de son propre répertoire, sans complexe, en pleine lumière.

Qu'on ne se méprenne pas: on ne fera pas du «headbanging» et on ne criera pas «métal» pendant ce spectacle. C'est avant tout de la chanson, et de la belle, avec des envolées vocales, parfois a cappella avec ses choristes. Mais il y a un souffle, une pulsion nouvelle chez Claire Pelletier. Renonçant un peu à la seule utilisation de programmations pour essayer de moderniser son répertoire folk, elle a, contre toute attente, réussi à actualiser profondément sa démarche en revenant à la rythmique organique, par exemple, celle que commande l'exceptionnel Simon Blouin.

Sincèrement, les amis, ça faisait un petit bout de temps que je n'avais pas autant trippé à regarder un musicien ne faire qu'un avec son instrument - et quand cet instrument, c'est une batterie, disons que ça donne une unité protéiforme. Bon, pas sûre d'être très claire, retenez surtout que c'était le fun à voir et à entendre, le «beat» de Blouin jumelé à la mélodie qu'est la voix de Claire Pelletier. Ou à son «guqin», instrument chinois s'apparentant à une harpe et à une cithare, dont elle joue à ravir.

Interprétant toutes les chansons du nouvel album, de même que quelques-unes des plus belles chansons de ses précédents disques (Le vaisseau fantôme, Galileo, Tout au Nord de moi, Ce que tu donnes, Trop loin l'Irlande...) habillées de nouveaux arrangements vivifiants, jouant vocalement avec ses choristes, Claire Pelletier a démontré hier une chose rare: on peut être dans le métier depuis 30 ans et pourtant, être tout à fait neuve.