Porté par des critiques favorables en ce début de tournée nord-américaine, le power trio britannique Muse a connu une véritable consécration de la part de ses fans montréalais, mercredi soir dernier, à la suite d'une performance habilement menée. Le succès populaire du groupe se fait peut-être attendre encore aux États-Unis, mais la foule du Centre Bell, elle, semblait déjà avoir adopté ces nouveaux héros du rock anglais.

Nouveau est un bien grand mot: Muse roule sa bosse depuis plus de dix ans déjà, compte cinq albums studio à son répertoire - le plus récent, The Resistance, lancé l'an dernier -, mais n'a toujours pas atteint la notoriété de Coldplay, à qui on se risque parfois à le comparer en raison de sa propension à pousser des refrains épiques, limite racoleurs, mais fédérateurs.

Cette fois, le mot est bon. Fédérateur. Grâce à une configuration scénique dite à 360º (la scène au centre mais pas tout à fait, le public tout autour dans les gradins), Muse a fait le plein de 16 200 fans qui ont levé le bras dès Uprising, chanson inaugurale de cette soirée rock, parfois pesante, souvent mélancolique. Ça n'a pas dérougi pendant les presque deux heures qu'ont duré le spectacle. De toute évidence, le trio a touché une corde sensible chez les mélomanes d'ici.

La musique de Muse n'est pourtant pas d'une grande originalité, les références étant ici particulièrement grosses, mais variées, surtout. La force du groupe, c'est d'avoir réussi à se forger un son, une personnalité, en additionnant les clins d'oeils à U2, Coldplay, au rock lourd, au prog, à la new wave, au rock alterno des années 90. Pur produit british rock, Muse pousse énergiquement ses séduisants refrains, qui sonnent un peu tous pareils, mais tous comme du Muse au bout du compte.

Sur disque comme sur scène, la formation mise sur son charismatique leader, le guitariste, pianiste et chanteur Matthew Bellamy, également principal compositeur. Une vraie bête de scène, celui-là. La foule n'avait d'yeux que pour lui, pour ses solos de guitares incendiaires, pour son côté démonstratif - il se jette à genoux, il gratte sa guitare derrière la tête, se la joue guitar hero à fond, et ça marche. À côté de lui, Christopher Wolstenholme (basse) et Dominic Howard (batterie) passent pour des figurants.

Or, une autre des clés du succès de cette tournée tient à la scénographie du concert, fort bien pensée, articulée avec beaucoup de goût. La scène circulaire recèle trois plate-formes hydrauliques (et décorées de lumières LED) pour chacun des rockeurs. Au début du concert, le groupe plane à environ cinq mètres du sol; à l'atterrissage, Bellamy et Wolstenholme ont le loisir de parcourir la scène et d'occuper l'une des petites passerelles sur les côtés. Derrière sa batterie, Howard tourne sur lui-même. Au dessus de leurs têtes, trois piliers servant d'écrans LED vont jusqu'au plafond.

L'habillage visuel est irréprochable et appuie avec force les chansons du groupe. En première portion de soirée, pendant New Born (succès de l'album Origin of Symmetry, 2001) par exemple, on a même droit à une orgie de lasers verts.

Les plus connues ont fait hurler la foule: début massue avec Uprising et Resistance, Supermassive Black Hole peu après, Hysteria, United States of Eurasia (ils ont quand même des titres de chansons intéressants, les gars de Muse!) et en finale, Plug in Baby, Unnatural Selection, Knights of Cydonia au rappel. Les irritants de la soirée, une sono parfois déficiente, la propension de Bellamy à vouloir chanter comme un castrat, la vague impression de monotonie à entre un autre refrain accrocheur similaire au précédent, gâchent à peine le plaisir de voir un groupe défendre avec conviction et bon goût, sur tous les aspects de sa performance, un répertoire qui compte beaucoup d'adeptes.