C'est très foncé, c'est très beau. À prendre à petites doses, car ça gèle plus fort que le spleen. Les chansons défilent dans la pénombre, on pense à Angelo Badalamenti (Twin Peaks), à l'album de Portishead avec cordes, au travail de Georges Delerue (Platoon) et autres déploiements orchestraux issus de périodes antérieures à la nôtre.

Et oui, ça saute aux oreilles lorsqu'on tombe sur les arrangements et la structure harmonique de Juste un peu, qui rappellent étrangement Le chat du café des artistes, très grand cru de Jean-Pierre Ferland.

Or, nous sommes en 2016, de jeunes Kebs (Nicolas Grou, Marianne Houle, Rose Normandin) se plaisent (enfin!) à tisser de l'indie folk de chambre et du trip hop orchestral avec les meilleures chansons francophones d'Amérique au programme automnal: celles du doué Antoine Corriveau, un type aux humeurs noires, néanmoins (sur)vivant, poétiquement nourri aux rendez-vous volontairement loupés, aux atterrissages forcés, aux «hydravions qui s'écrasent sous l'eau», aux «désirs endormis», aux «points de départ ou de fuite», aux «trous à rats» et autres descentes en spirale.

Baissez les stores, fermez lumières, reculez l'heure. Novembre ne cessera jamais.

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CHANSON. Cette chose qui cognait au creux de sa poitrine sans vouloir s'arrêter. Antoine Corriveau. Coyote Records.