L'un des événements attendus de notre été musical, tous festivals confondus, est certes la venue de la pianiste chinoise Zhu Xiao-Mei, en première canadienne, le dimanche 8 juillet, 16h, au Centre d'arts Orford.

«Broyée par la Révolution culturelle chinoise et sauvée par la musique», lit-on dans la publicité, cette femme vécut pendant cinq ans dans un camp de travail et a raconté son aventure dans un livre intitulé La Rivière et son secret. Fixée d'abord aux États-Unis en 1979 puis en France en 1985, elle se fit aussi connaître par un enregistrement des Variations Goldberg de Bach, oeuvre qu'elle reprendra à Orford. Cet enregistrement parut en 2007 sous la petite marque Mirare; une mention minuscule, à peine visible, révèle cependant qu'il date de 1990. Pourquoi ce retard de 17 ans? On l'ignore.

On connaît la légende des Goldberg: sur un thème de sarabande répété à la toute fin, il s'agit d'une succession de 30 variations que Bach composa pour son jeune élève Johann Gottlieb Goldberg qui, à l'emploi de l'ambassadeur de Russie à Dresde, meublait les nuits d'insomnie du diplomate en lui jouant du clavecin.

À la blague, on évalue une interprétation des Goldberg par la réponse à cette question toute simple: l'ambassadeur se serait-il paisiblement endormi ou serait-il demeuré éveillé jusqu'à la fin? Plus sérieuse est la question concernant l'instrument utilisé. Car les Goldberg, habituellement jouées au clavecin (l'instrument original), le sont aussi au piano, parfois aussi à l'orgue et à la harpe.

Clavecin ou piano? Le débat dure encore. Chose certaine, l'interprétation de Zhu Xiao-Mei n'a rien d'un somnifère. Ma seule réserve concerne l'étrange rubato que la pianiste se permet dans l'exposé du thème, puis à son retour, à la fin. Pour les variations elles-mêmes, c'est-à-dire l'essentiel, le disque est à placer parmi les très belles versions pianistiques de l'oeuvre.

Dans chaque variation, la pianiste ne joue que la première des deux reprises. Il y a deux exceptions: elle ne fait aucune reprise dans la 16e variation et fait les deux reprises dans la 30e et dernière. De même, dans les deux énoncés du thème, elle ne fait que la première reprise.

Avec Zhu Xiao-Mei, on ne pense ni au clavecin ni au piano, mais uniquement, et tout simplement, à la musique. Le texte de Bach, l'artiste en traduit la lumineuse clarté, l'inépuisable imagination, la science polyphonique jaillissant des deux mains, la richesse des ornements et, par-dessus tout, le mélange de joie et de paix.

Le piano sonne bien partout, malgré un aigu un peu brillant.

BACH ZHU XIAO-MEI, PIANISTE

MIRARE, MIR-048

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