Très présent à l'étranger, mais absent de la scène musicale montréalaise depuis près de quatre mois, Yannick Nézet-Séguin nous revient avec deux incarnations du personnage biblique de Salomé, la petite princesse juive qui dansa pour son beau-père Hérode Antipas et obtint en échange la tête du prophète Jean-Baptiste, qui l'avait humiliée.

Dès samedi prochain, 19 mars, à l'Opéra de Montréal, Nézet-Séguin dirigera le drame musical que Richard Strauss basa en 1905 sur la pièce d'Oscar Wilde inspirée par le sujet. Coïncidence bien orchestrée, ATMA publie, direction N.-S. encore, le poème symphonique La Tragédie de Salomé, op. 50, de Florent Schmitt.

L'oeuvre, venue quelques années après l'opéra de Strauss, s'inspire d'un poème de Robert d'Humières qui raconte la même histoire, à quelques différences près. À sa création, en 1907, elle se présentait comme partition pour 20 musiciens accompagnant un ballet d'une durée d'une heure. En 1911, Schmitt en tira un poème symphonique pour grand orchestre mais en ramena la durée à moins de 30 minutes.

Alors que Strauss n'a ménagé qu'une danse pour Salomé (la fameuse Danse des sept voiles), Schmitt lui en confie trois, aux titres bien explicites, Danse des perles, Danse des éclairs et Danse de l'effroi, et se déroulant en alternance avec des séquences orchestrales d'atmosphère.

Dutoit et l'OSM ont joué le Schmitt en 1981 mais ne l'ont pas enregistré. Nézet-Séguin et l'OM l'ont fait en concert le 22 novembre 2009 (à la même heure, les critiques étaient au récital de Lang Lang!) et l'ont heureusement porté au disque. Ici encore, le jeune chef amène l'OM à sonner comme un orchestre français, luxuriant, enveloppant, avec des bois aux couleurs exquises.

Cette version rejoint les meilleures (Paray, Janowski, Martinon), et jusqu'à celle que Schmitt lui-même grava en 1930, que EMI a rééditée dans sa collection «Composers in Person», et qui reste d'une qualité sonore étonnante.

En total contraste, Nézet-Séguin complète le disque avec la quasi mystique Symphonie en ré mineur de César Franck. Bien qu'il ait à faire face ici à une énorme concurrence, sa version se défend parfaitement bien: pleine de noblesse, très lyrique, superbe du commencement à la fin.

Orchestre métropolitain. Dir. Yannick Nézet-Séguin. Schmitt, Franck. Atma, ACD2 2647