Dante, précédent album du rappeur français Abd Al Malik, m'avait un brin déçue: les collaborateurs très «chanson à texte», l'attitude et cette manière d'insister sur le pont entre les générations, tout cela vous avait des airs de «je suis vachement l'avenir de la chanson francophone» - alors qu'il vaut toujours mieux laisser l'avenir décider de ce que sera l'avenir...

Bref, j'appréhendais le troisième opus. Et PAF! Ça, c'est le coup que j'ai reçu au visage et au coeur à l'écoute de cet album réalisé par l'hallucinant et halluciné pianiste-compositeur-arrangeur-personnage-haut-en-couleurs-Montréalais-d'origine Gonzales (Feist, Birkin, Buck 65...)!

Oh boy, on appelle ça un virage à 180 degrés, les amis: d'abord, Abd Al Malik chante. Souvent. Bien. Parfois mêlé à d'autres voix. Mais récite aussi, déclame quand il le faut, raconte. Plus fort, sa voix est soutenue par un kaléidoscope de musiques: rumba congolaise et piano solo quasi Gershwin, vraie dance music et couleurs caribéennes, électro pop et rythmes africains, rock et r'n'b - avec plusieurs invités pertinents, dont Papa Wemba, Ezra Koenig de Vampire Weekend, etc.

Encore plus fort, Abd Al Malik y rappe et chante en français, mais aussi un peu en lari (sa langue congolaise) et même en anglais (avec un accent gros comme le bras, sans complexe). Enfin, il parle de tout, de son grand-père ou de Guantanamo, de la violence faite aux femmes (sur une musique entraînante!) ou de son vélo d'enfance... On appelle ça se réinventer, les amis, et brillamment. (En magasin mardi).

Hip hop

Abd Al Malik

Château Rouge

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Universal/DEP