Il est question de blues et vous alignez, à la guitare, Steve Hill, Frank Marino, Stéphane Dufour, Johnny Gravel et Paul Deslauriers: vous êtes en voiture. De plus, les chanteurs ont du talent même s'ils ne sont pas des adeptes du genre. Dans cette compilation blues du Festival de jazz, seule Nadja évolue dans le R'n'B, comme en fait foi son interprétation You Can Have My Husband (But Don't Mess With My Man).

Ici, les outsiders n'essaient pas d'être ce qu'ils ne sont pas: ils font juste ce qu'ils font avec talent. D'entrée, Yann Perreau fixe haut la cadence avec Shake Your Money Maker qu'il finit avec la chorale du Camp de blues où vont les profits de ce CD réalisé par Paul Deslauriers. Catherine Major est désarmante de simplicité dans I Just Want to Make Love to You avec, à ses côtés, un Steve Hill en dérapage à peu près contrôlé. Mario Pelchat brille dans son pot-pourri d'Elvis: Heartbreak Hotel, Reconsider Baby, Lawdy Miss Clawdy. Mais le coup de poing de ce disque vient d'un Jonas aux allures de mustang dans Who Do You Love?, la chanson de Bo Diddley popularisée par George Thorogood.

Puis il y les voisins du blues qu'on ne s'étonne pas de voir débarquer au Douze Bar. Zachary Richard est comme chez lui dans un Midnight Special harmonica country au relief nouveau. Ce qu'Éric Lapointe aurait pu faire s'il n'avait décidé de se transformer en Tom Waits dans Blue Valentines. Dan Bigras, lui, est tel qu'en lui-même dans Bad to the Bone (Thorogood encore), où il a tout fait lui-même sauf la guitare (Dan Mongrain).

Ça nous amène aux pistes-bonis. Plume d'abord, avec une pièce autobiographique, Bordeaux Beach Blues avec Roger Gravel au piano: correct. Spectra a ensuite sorti de ses coffres un Dimanche Blues inédit d'Offenbach datant de 1976. Robert Charlebois, finalement, vole encore au-dessus du lot malgré le poids du propos - «Arrêtons d'nous r'garder l'nombril / C'est un chapitre déjà écrit»- et la pesanteur de la guitare de Que Can Blues (Marcel Beauchamp, sauf erreur), créée à la Saint-Jean de 1974. Un classique de la chanson «de race»genre coup d'poing dans'face...

Reste Patrick Huard et cette Aline (Christophe, 1965) augmentée d'un monologue du cru. Le blues rit? Oui, il fait ça aussi... Le grand festival, toutefois, aurait eu avantage à dessiner sur le sable, assez loin du doux visage d'Aline, une ligne bon blues, bad blues.