Vous souvenez-vous de la dernière fois que vous avez assisté à un concert où il n'y a pas eu de rappel? Aujourd'hui, «si tu n'as pas de rappel, c'est que tu t'es planté quelque part», résume Patrice Michaud. Tour d'horizon avec des artistes de la chanson, à deux semaines des FrancoFolies.

Patrice Michaud

Pouvons-nous parler de l'art du rappel? Lorsqu'on pose la question à Patrice Michaud, il avoue être ambivalent. D'abord parce qu'il a l'impression qu'il s'agit maintenant d'une «condition sine qua non». «Je pense qu'avant, tu terminais ton show et que le rappel était de l'extra. Comme artiste, tu remarquais sûrement que tu n'avais pas eu de rappel, mais ce n'était pas la fin du monde, comme ça peut l'être aujourd'hui», dit-il.

Le chanteur de Mécaniques générales prépare avec attention ses rappels. Il veut surprendre son public, mais sans y interpréter ses succès. «Je trouve ça super important, le rappel, car c'est comme le dernier coup de massue pour les assommer», dit Patrice Michaud, qui termine son spectacle avec Si près du soleil, adaptation d'un titre du supergroupe américain Monsters of Folk.

Milk & Bone

«J'aimerais que le rappel redevienne quelque chose de magique. Je pense que le public se sent obligé d'en demander un et je trouve ça dommage», confie Laurence Lafond-Beaulne du duo Milk & Bone. Elle souhaiterait que ce soit «quelque chose d'improvisé, de maladroit, mais pas quelque chose qui a été pensé pour tous les spectacles».

Pour leur deuxième tournée, Camille Poliquin et elle ont décidé de sortir de scène à peine quelques secondes avant de revenir interpréter une dernière chanson. «Au début, on ne voulait pas en faire du tout. Finalement, on a décidé de faire un entre-deux pour que les gens comprennent que, dans un prochain spectacle, il n'y aura peut-être pas de rappel», dit Laurence Lafond-Beaulne.

Daniel Bélanger

«Un spectacle est une sorte de ballet. Si le ballet est bien monté, le rappel va arriver. Même s'il fait partie d'une chorégraphie, je ne crois pas que les spectateurs en réclament un parce qu'ils n'ont pas le choix», dit Daniel Bélanger. Il poursuit: «Lorsque je vais voir un artiste et qu'il prend le temps de prendre nos applaudissements, ça me fait du bien. Ça veut dire qu'il me reçoit bien, que je peux lui rendre ce qu'il m'a donné.»

Le vétéran explique que même si le rappel est devenu une convention au Québec, il ne faut pas le sous-estimer. Tout comme Patrice Michaud, il n'y offre pas ses grands succès, mais plutôt «des succès d'estime pour les purs et durs de mon travail». Par exemple, sa chanson Paloma. «Le plus important pour moi est l'intimité que j'arrive à créer lors du rappel. Ça me plaît bien», ajoute-t-il.

Ingrid St-Pierre

Ingrid St-Pierre juge elle aussi que le rappel a son importance. «Le show est terminé, il n'y a plus de décorum, il y a un laisser-aller entre le public et moi et je peux faire n'importe quoi: des nouvelles tounes, des covers... Je me laisse encore plus aller. On dirait que le lien avec le public est encore plus fort à ce moment-là.»

Par contre, l'auteure-compositrice-interprète n'est pas à l'aise avec la mécanique du rappel. Elle ne sort pas de scène et n'attend pas que les spectateurs l'acclament pendant plusieurs minutes. «Je n'assume pas de sortir. Je m'approche plutôt du micro et je demande s'ils en veulent une autre. Par politesse, j'aime mieux le demander», dit l'auteure de La ballerine et Ficelles.

Photo Olivier Pontbriand, archives La Presse

«Un spectacle est une sorte de ballet. Si le ballet est bien monté, le rappel va arriver. Même s'il fait partie d'une chorégraphie, je ne crois pas que les spectateurs en réclament un parce qu'ils n'ont pas le choix», dit Daniel Bélanger.

Catherine Major

«S'il n'y a pas de rappel, ça ne va vraiment pas bien. Mais je trouve que ça manque d'originalité, de sortir et de revenir. J'ai de la misère à jouer la comédie et de dire: "Oh my God, un rappel!"», dit Catherine Major. Cela peut même créer des scènes assez absurdes, notamment dans de petites salles où il n'y a pas moyen de sortir de scène et où elle finit par dire: «On va faire comme si j'étais sortie et que je suis revenue... et voici le rappel!»

L'auteure-compositrice-interprète ne croit pas qu'elle verra de son vivant la fin des rappels systématiques. «C'est très ancré dans la société québécoise et ce serait difficile de changer ça.» Elle a d'ailleurs remarqué qu'il s'agit moins d'une convention dans d'autres pays, notamment en France.

Kaïn et La Chicane

Éric Maheu, membre de La Chicane et de Kaïn, est un habitué des foules en délire et des fans qui déchirent leur chemise pour entendre un autre succès. Il est impensable pour lui d'imaginer un de ses spectacles sans rappel: «C'est là que nous recevons le summum de l'amour du public», dit-il.

«Aujourd'hui, lorsque les gens dépensent 40 $ pour aller voir un show, en plus du stationnement et de la gardienne, ils méritent une couple de rappels. Oui, nous pourrions être égoïstes et dire que ça casse la magie et le fil du spectacle, mais, en même temps, le jour où un artiste n'aura pas de rappel, il sera le premier à courir après», dit-il, précisant que La Chicane termine son spectacle avec Juste pour voir le monde.

Il ajoute: «Je vois le rappel comme un petit colleux après avoir fait l'amour. C'est un beau bonus.»

Photo archives, La Voix de l'Est

«S'il n'y a pas de rappel, ça ne va vraiment pas bien. Mais je trouve que ça manque d'originalité, de sortir et de revenir. J'ai de la misère à jouer la comédie et de dire: "Oh my God, un rappel!"», affirme Catherine Major.