La deuxième saison de la comédie dramatique Trop est en ligne depuis mercredi sur l'Extra de Tou.tv. Son auteure, Marie-Andrée Labbé, est une fan indéfectible de Céline Dion depuis l'adolescence. Elle connaît toutes les dates importantes de la vie de son idole et la défend bec et ongles en toutes circonstances. Discussion avec une passionnée.

Marc Cassivi: Je voulais te parler de ta passion pour Céline Dion et tester une théorie avec toi. Toutes les jeunes femmes homosexuelles de 25 à 35 ans que je connais sont fans de Céline Dion. Est-ce un hasard? Je connaissais l'attrait de Céline comme icône d'hommes gais, mais pas auprès de jeunes lesbiennes. L'as-tu remarqué?

Marie-Andrée Labbé: Oui, je le remarque. Est-ce que j'ai une explication? Pas sûre... C'est une icône gaie comme l'est Diane Dufresne ou Madonna. Je ne parlerai pas pour les autres, mais pour moi, c'est une question de contact avec le public. Une sorte d'énergie ouverte. Quand j'avais 14-15 ans, ce qui m'interpellait, c'était sa façon de parler aux gens, plus que sa musique. C'est plus la personne que sa musique qui m'intéresse. Son ambition. Le fait de ne pas avoir de limites. Des fois, je me dis que les femmes homosexuelles ont plus d'ambition que les autres. Je dis à la blague que c'est parce qu'on n'est pas retenues à la maison par quiconque! [Rires] Céline, pour moi, c'est l'icône de l'ambition...

Marc Cassivi: L'incarnation du «Quand on veut, on peut», qui est aussi un trait de la génération Y. Cette ambition décomplexée: la planète est à nous, on peut réussir en anglais comme en français, en France comme aux États-Unis. Comme Céline.

Marie-Andrée Labbé: Elle incarne le rêve. Le conte de fées, pas amoureux mais professionnel. Elle se démarquait du lot déjà à un jeune âge. Ça n'a pas toujours été bien vu! Il y a eu une période où c'était dur pour elle, où elle se faisait basher au Québec. Je m'en souviens parce que j'étais fan et que je prenais ça difficilement. Je trouvais que les Québécois ne la méritaient pas pour la traiter ainsi. J'ai compris ce qu'était son rapport à la discipline et à son métier. L'importance de prendre soin d'un rêve. Qu'elle l'ait nommé, sans complexe, j'en bénéficie encore aujourd'hui.

Marc Cassivi: Le I Want To Pogne de Rock et Belles Oreilles, tu l'as pris personnel?

Marie-Andrée Labbé: Aujourd'hui, ça ne me dérange plus. Mais à l'époque, je trouvais qu'ils n'avaient rien compris! Je ne comprenais pas pourquoi les gens riaient de moi d'être fan de Céline, donc je me suis isolée avec ça. Je me disais que les gens ne voulaient pas comprendre, qu'ils étaient jaloux. Et je me disais que plus tard, ils me donneraient raison ! Il y a plein de gens qui, en ce moment, font leur «coming out» de fan de Céline. J'ai des amis qui m'écrivent pour me dire que j'avais raison. Finalement, nous sommes tous sur notre X en ce moment, parce que soudainement, Céline est rendue cool.

Marc Cassivi: Tu as été «ostracisée» comme fan de Céline à l'adolescence?

Marie-Andrée Labbé: Oui. Au Saguenay, on écoutait Bad Religion. Moi, j'écoutais S'il suffisait d'aimer toute seule. Mes amis ne savaient pas que je regardais le 20e gala de l'ADISQ, qu'elle a animé, chaque jour! Je ne m'en vantais pas. Et je faisais semblant de connaître les tounes de Bad Religion.

Marc Cassivi: Peut-être que c'est une affaire d'époque. Dans les années 90, ce n'était pas bien vu d'aimer Céline. On m'aurait dit, il y a 20 ans, qu'un jour Céline Dion serait considérée comme cool et je ne l'aurais pas cru...

Marie-Andrée Labbé: Il y a quelque chose qui est plus en phase avec son âge dans ce qu'elle fait.

Marc Cassivi: Elle a cinq ans de plus que moi, mais toute ma vie, j'ai cru qu'on était pratiquement de deux générations différentes. Parce que dans ma tête, elle est depuis longtemps une «madame»...

Marie-Andrée Labbé: Je trouve ça beau de voir ça. Elle a l'air bien, libérée du décalage d'âge qu'elle pouvait sembler avoir. Elle ne fait partie d'aucune génération, à mon avis. Et c'est tant mieux. C'est brillant de sa part. Peut-être que ce n'est pas réfléchi. Il y a plein de choses qui se font instinctivement chez elle. Pas mal toutes ses entrevues sont faites à l'instinct et à grands coups d'improvisation devant le monde entier. J'ai toujours l'impression qu'elle est plus intelligente qu'elle le pense. Je lui donne beaucoup plus de crédit qu'on lui en donne en général. Ça m'amuse de voir tous ces gens qui ont peur pour elle et qui sont inquiets. «On est en train de la perdre!» On n'est tellement pas en train de la perdre! Au contraire. Elle arrive là où, à petite échelle, j'aspire à arriver: me sentir complètement moi-même en entrevue, par exemple. Et elle arrive à le faire devant le monde entier. C'est extraordinaire d'arriver à 50 ans, d'avoir gravi les échelons - tout le monde la connaît - et de se permettre de faire un shooting pour le Vogue où il n'y a rien de placé ou de réfléchi. C'est merveilleux. C'est une partie de plaisir de regarder ça en tant que fan. Imagine le vivre!

Marc Cassivi: Le non-fan que je suis a l'impression qu'il y a plusieurs Céline, notamment en entrevue. Il y a un paradoxe entre son authenticité et le fait qu'elle soit caméléon. Elle adapte son accent pour la presse française, elle redevient la petite fille de Charlemagne au Québec, aux États-Unis, c'est encore autre chose. C'est comme si elle avait de multiples personnalités...

Marie-Andrée Labbé: Ça fait partie des raisons qui font que je me trouve chanceuse d'être fan: je ne suis jamais déçue. Je suis toujours surprise. Qui peut se vanter de n'avoir jamais été déçu par son idole? À chaque décennie, elle a fait des choses que je n'attendais pas. Je suis ravie, autant du divertissement que de l'émotion qu'elle me fait vivre. Je ne voudrais pas que ça change. Certains disent qu'il faudrait qu'elle arrête de chanter en entrevue, que c'est fatigant. Qu'elle n'arrête jamais ça! C'est trop drôle. Elle est la seule à le faire. Elle s'amuse en se disant que ça risque d'amuser les autres. C'est génial. J'ai déjà couru des demi-marathons en écoutant du Céline Dion. C'est important pour moi. Personne d'autre qu'elle ne peut m'aider à faire ça. Ce n'est pas pour la chanson My Heart Will Go On en tant que telle. C'est pour l'accompagnement. Avec mes amis proches, il y a ça de solide dans ma vie, la présence de Céline. C'est un ancrage.

Marc Cassivi: Ça a commencé comment, cette fascination?

Marie-Andrée Labbé: Avec le gala de l'ADISQ, qu'elle animait avec Jean-Pierre Ferland, René Simard et André-Philippe Gagnon [en 1998]. Ce fut une sorte d'éveil...

Marc Cassivi: Un kick?

Marie-Andrée Labbé: C'est sûr que je la trouvais belle! Je suis une sapiosexuelle. J'aime l'intelligence. Les gens vont rire parce qu'on ne l'associe pas nécessairement à ça, mais pour moi, l'intelligence de Céline est ce qui me fascine le plus. C'est une intelligence que je n'ai pas, c'est-à-dire l'intelligence du moment, de la spontanéité. L'espèce d'insouciance de celle qui a la plus belle voix au monde et qui l'offre, sans se soucier de ceux qui vont la refuser. Elle a forgé ma façon de travailler et de réfléchir au travail. Ça me fascine de voir comment quelqu'un qui est au sommet passe de sa loge à un stade rempli de 50 000 personnes. Je trouvais impressionnant qu'on puisse parfois la voir sans maquillage, dès ses 30 ans et encore aujourd'hui. C'était un beau modèle.

Marc Cassivi: Tu lui es fidèle depuis toujours? Ton intérêt n'a jamais fléchi?

Marie-Andrée Labbé: Non. Jamais. Je m'obstine avec d'autres fans qui, eux, perdent parfois de leur intérêt ou se permettent de la critiquer. Ce ne sont pas des vrais! [Rires] Je ne suis pas du tout objective! C'est très personnel. Tout ça m'a tellement aidée et servie que j'ai beaucoup d'ouverture pour les passions des autres. L'admiration est un moteur. Je respecte ça chez les autres et je m'attends à ce qu'on le respecte chez moi. Ce n'est pas toujours arrivé!

Marc Cassivi: Revenons à mon postulat de départ sur l'icône des jeunes femmes gaies. Peut-être que je me trompe et que c'est plus une question de génération que d'orientation sexuelle...

Marie-Andrée Labbé: Non. Je le remarque beaucoup chez les femmes gaies qui ont soudainement redécouvert Céline. Parce que c'est une femme de pouvoir de 50 ans, qui est magnifique, qui est devenue une icône de la mode, qui a une énergie très brute. Il y a quelque chose dans la libération de Céline qui parle beaucoup aux femmes. C'est charmant, c'est sûr. Je dirais que cet intérêt-là est aussi dû au manque de modèles de femmes qui sèment la controverse, qui dérangent et qui avancent. On ne peut pas être indifférent à Céline Dion. Ma grand-mère trouvait qu'elle manquait de classe. Elle n'est pas dans un moule. Je l'aime sans réserve, d'un amour inconditionnel. Et je le souhaite à tout le monde!