L'ex-premier ministre et président du conseil d'administration de l'Orchestre symphonique de Montréal (OSM), Lucien Bouchard, s'est dit « touché par l'expression des souffrances » que des musiciens ont subies sous le joug de Charles Dutoit. Une enquête de La Presse lève le voile sur un climat de travail insupportable qui aurait régné à l'OSM quand Charles Dutoit en était le directeur musical.

« Nous sommes très compatissants et touchés par l'expression des souffrances qui ont fait l'objet des témoignages de musiciens publiés récemment, notamment aujourd'hui dans La Presse+ et Le Devoir », a exprimé M. Bouchard, par voie de communiqué. 

Une quinzaine de musiciens ont confié à La Presse avoir été victimes ou témoins d'harcèlement psychologique et d'intimidation de la part de Charles Dutoit, aux commandes de l'orchestre pendant 25 ans de 1977 à 2002. Selon eux, il pouvait harceler et humilier certains musiciens pendant des mois, voire des années.

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« Nous en tirons une détermination renouvelée à faire régner au sein de l'OSM le respect de la dignité et des droits fondamentaux des musiciens et du personnel administratif. La direction générale actuelle a déployé de nombreux efforts visant à créer une atmosphère d'harmonie et de collaboration. À cet égard, nous allons persister à prendre tous les moyens pour maintenir le climat de respect qui prévaut depuis l'arrivée de Kent Nagano, en 2006, comme directeur musical », a-t-il assuré. 

Le président de la Guilde est « troublé »

Par ailleurs, le président de la Guilde des musiciens et des musiciennes du Québec, Luc Fortin, s'est dit « troublé » par le fait que les allégations de harcèlement psychologique et d'intimidation ayant mené à la démission fracassante du directeur musical de l'Orchestre symphonique de Montréal, Charles Dutoit, en 2002, aient été « ignorées » aussi longtemps par l'administration.

« Ça me trouble parce qu'en 1997 et même en 2002, ça ne fait pas si longtemps. On n'est pas dans une époque lointaine », a réagi Luc Fortin samedi. « On comprend que Dutoit était mis sur un piédestal, que la renommée de l'orchestre était en jeu, je peux comprendre, mais on a aussi une responsabilité envers son orchestre. L'orchestre, ce n'est pas juste son chef. On ne peut pas ignorer ça ».

La Guilde des musiciens et des musiciennes du Québec a réagi sur sa page Facebook à l'enquête de La Presse, publiée ce matin. 

« Quand on regarde la gravité des lettres envoyées, c'était quand même sérieux. Pour dire que ç'a été ignoré, je ne comprends pas. [...] Je pense qu'il y a eu un manque, il aurait fallu pousser plus loin », poursuit M. Fortin, qui a tenu à saluer « le courage » des musiciens et musiciennes qui se sont exprimés en nos pages et ceux qui ont « souffert en silence ».

« On n'avait jamais entendu des témoignages aussi précis, c'est ça qui m'a touché. Ça donne un exemple de l'ampleur du problème. On parle de quelques personnes, mais il y en a eu d'autres. [...] On est reconnaissant que ça sorte pour que les gens puissent se rendre compte de tous les dommages que le harcèlement psychologique peut faire ».

La Guilde, dans la foulée du mouvement #MoiAussi qui a permis à plusieurs membres du milieu artistique de dénoncer des situations de harcèlement psychologique et d'inconduites sexuelles cet automne, dit travailler avec l'ensemble des organismes culturels pour mettre en place « un guichet unique » qui faciliterait la dénonciation.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

L'ancien premier ministre du Québec et président du conseil d'administration de l'OSM, Lucien Bouchard

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DU REGROUPEMENT DES ARTISANS DE LA MUSIQUE

Le président de la Guilde des musiciens et des musiciennes du Québec, Luc Fortin