«Quand un être humain crée, c'est là qu'il est le plus beau», estime le chanteur québécois Pierre Lapointe, qui sort vendredi La science du coeur, son 6e album dans lequel il fait joliment se côtoyer pop, chanson et classique contemporain.

Pierre Lapointe est un artiste qui compte au Québec et encore confidentiel en France. Révélé en 2006 par son deuxième opus, le flamboyant et mystique La forêt des mal-aimés, il bâtit depuis une quinzaine d'années une oeuvre qui lorgne vers l'avant-garde tout en prenant soin de rester accessible.

«Je cherche constamment cet équilibre, abonde l'artiste de 36 ans. Le vrai intérêt de la création c'est de foutre la merde dans des frontières, de refuser le snobisme qui est une marque d'insécurité. À partir du moment où quelque chose est bien fait, ce quelque chose trouve sa raison d'être. Car il va toucher les gens».

La science du coeur, avec ses mélodies délicates et ses arrangements très travaillés, parvient à trouver cet eurythmie, peut-être plus encore que ses précédents disques.

«Mon objectif c'était de faire le pont entre la musique orchestrale contemporaine et la chanson traditionnelle d'expression française. C'est ce qui définit mon esprit d'ouverture», appuie celui qui a vu sa popularité grandir au Canada grâce à son rôle de coach dans l'émission télévisée La voix.

«J'ai fait ça pendant trois saisons. Pendant ce temps, j'étais aussi porte-parole du Musée national des beaux-arts du Québec, qui consacrait son tout nouveau pavillon à l'art contemporain. Et j'ai gagné La voix avec une chanteuse qui interprétait un truc très pop. C'était bien de le faire, car ça a amené des gens à découvrir des choses qui ne les attiraient pas forcément», dit-il.

Introspection

«Il faut arrêter de penser que les gens sont cons et incapables d'absorber quelque chose, enchaîne-t-il. Dans cet album, j'ai cherché à mettre en avant la beauté, pour lui conférer quelque chose d'universel. Si les gens trouvent quelque chose beau, sont émus, on peut mettre n'importe quoi derrière, ils vont tout assimiler».

Dans La science du coeur, la beauté traverse des titres comme Qu'il est honteux d'être humain sur lequel plane l'ombre de Barbara, ou Naoshima, écrit comme un haïku et consacré à cette île japonaise réputée pour ses musées d'art moderne.

Au fil des mots, ça et là, sont cités David Bowie, David Hockney, Rainer Werner Fassbinder, 1984 de George Orwell...

«Je me suis permis de nommer mes références, ce que je ne faisais pas jusqu'ici. Je voulais me faire plaisir. Mais ça ne devait en aucun cas devenir un exercice de style lourd, pénible, avec lequel on ne toucherait finalement personne», dit ce dandy élégant.

Si l'amour, l'art sont omniprésents dans beaucoup de chansons, d'autres comme Sais-tu vraiment qui tu es abordent le thème du questionnement de soi.

«J'ai fait beaucoup d'introspection, ça m'a beaucoup aidé. Mais c'est écrire des chanson qui fait de moi un être humain. Le rapport à la création, c'est un prétexte pour me réconcilier avec l'idée que l'homme ce n'est pas juste une merde. Parce que si je me fie vraiment à ce que je ressens, ça ferait longtemps que je ne serais plus là», lâche-t-il, soudain la mine fermée.

Mais son visage se déride aussitôt pour évoquer l'esthétisme rétro-futuriste du clip de Sais-tu vraiment qui tu es, qu'il a co-réalisé. Une expérience nouvelle qu'il n'entend cependant pas prolonger au cinéma.

«Faire un film, c'est comme écrire un roman: je ne peux tout simplement pas. Il faut accepter ses limites. Le danger quand on commence à être connu, c'est de croire qu'on peut être bon dans tout».