«Je veux juste faire de la musique dont je sois fier»: Adam Granduciel, leader fragile et sourcilleux du groupe de rock américain The War on Drugs, revient vendredi avec A Deeper Understanding, un quatrième album apaisé, qui touche au sublime comme le précédent.

En 2014, lorsque sort Lost in the Dream, The War on Drugs est un groupe confidentiel. Le succès est éclatant, le public s'élargit, la tournée mondiale se rallonge. La critique dans son ensemble décide que ce disque est le meilleur de l'année et le très influent producteur (Springsteen, U2, Lady Gaga) Jimmy Iovine affirme que Granduciel & co «devraient être gigantesques».

«C'est extrêmement gratifiant le succès, on se sent redevable et revigoré», concède le chanteur-guitariste aux cheveux longs tombant sur les épaules. Une veste en jean recouvre un vieux t-shirt qui trahit une garde-robe probablement inchangée en vingt ans. Il en a pourtant 38.

«Je n'ai pas estimé que cet album nous avait fait passer à un stade supérieur ou qu'il me définissait enfin, pondère-t-il. J'ai toujours cherché à faire un meilleur album à chaque fois».

«C'est pour cela que la pression et l'anxiété ont accompagné l'après. Mais j'ai fait du mieux que j'ai pu pour ne pas me laisser submerger par ces émotions, en travaillant immédiatement sur le nouvel album. En travaillant dur, sans penser à rien d'autre», affirme-t-il.

«Ballotté par les vagues»

Mais hors de question pour le tourmenté Granduciel (Granofsky de son vrai nom, son pseudonyme à consonance française ayant été trouvé par un de ses professeurs) de sombrer à nouveau dans les ténèbres comme pour Lost in the Dream. Un immense album, pour lequel il a mis sa santé mentale à rude épreuve à force de recherches vaines et interminables.

«Être en "mode création" est dangereux, confirme-t-il. Après le premier mois d'enregistrement, on se dit épaté: "Whaou, c'est super bon!". Puis le troisième mois, on se dit dépité: "Mais toutes mes chansons sont nulles". On est comme ça, pendant des mois, ballotté par les vagues.»

Mais Granduciel affirme s'être habitué à ces montagnes russes: «Tout ce que j'avais à faire c'était de continuer à travailler. Sans pression ni temps imparti».

Or tout est question de temps dans la musique de The War on Drugs. Le rock qu'il déroule est un rock de labeur. Qui prend son temps, comme les 11 magnifiques minutes du titre Thinking of a Place. Qui demande du temps à l'auditeur et le plonge hors du temps. Un rock appliqué, consciencieux, qui mérite chaque «yeah!» récolté du public.

«Tristesse et solitude»

Il y a quelque chose de délicieusement anachronique dans le rock de The War on Drugs. Les fantômes de Bruce Springsteen, Bob Dylan, Neil Young, Dire Straits dansent autour des mélodies issues des guitares et piano du groupe. Tour de force: la présence de synthétiseur et saxophone, pourtant estampillés années 80, a des atours de modernité vintage.

Pour enregistrer A Deeper Understanding, Adam Granduciel a quitté Philadelphie, sa ville pendant 15 ans, pour Los Angeles où vit sa compagne, l'actrice Krysten Ritter (Jessica Jones).

Lumineux comme un coucher de soleil californien, cet album invite cette fois Warren Zevon, Fleetwood Mac, Randy Newman à la fête. Pourtant, «la tristesse, la solitude sont toujours présentes» dans les histoires intimes de son auteur.

«J'ai été inspiré par le fait de vieillir, dit-il. Comment le temps nous permet de nous réconcilier avec le passé, de mieux comprendre les erreurs, de mieux vivre avec les regrets».

«Par rapport à mon état de confusion en faisant le précédent album, cette fois c'était plus calme. Tout était mieux structuré, moi, ma façon de travailler, mes textes... J'étais dans une bonne phase dans ma vie personnelle», sourit-il timidement.

Et aujourd'hui? «Je crois que oui, je suis heureux aujourd'hui».