« J'ai été chanceux », lance Michel Robidoux au beau milieu d'une conversation passionnante avec ce musicien qui a été au coeur de la création de deux albums fondateurs de la chanson moderne québécoise : le Charlebois-Forestier, communément appelé « Lindberg », dont il était le guitariste, et le Jaune de Jean-Pierre Ferland, dont il a composé les musiques.

« En anglais, on dit being there. Évidemment, si tu ne sais pas quoi faire avec ton instrument, c'est bien beau être là au bon moment, mais il ne se passera pas grand-chose », concède celui qui a notamment été le compositeur attitré de Passe-partout pendant deux saisons et que Leonard Cohen a recruté pour l'aider à terminer son album I'm Your Man.

Cet homme discret, né dans une famille d'artistes - papa Fernand, chanteur, et maman Jeanne Couët qui prêtait sa voix à la petite Zézette, reine des mauvais coups, à la radio - lance aujourd'hui, à 73 ans, un album bien à lui, Robidoux premier, le fruit d'un heureux concours de circonstances.

Il y a quelques années, à l'occasion d'un lancement de disque, Michel Robidoux a fait la connaissance de Pierre Lapointe qui lui a parlé de sa passion de toujours pour la chanson Le chat du café des artistes, dont il avait composé la musique. Par la suite, Lapointe a soumis à Robidoux le texte des Enfants du diable qui n'a finalement été mis en musique qu'au bout de 10 mois, tellement les deux hommes avaient du plaisir à jaser de tout et de rien et à rigoler plutôt que de travailler chaque fois qu'ils se rencontraient.

Il y a un peu plus de deux ans, quand il a vendu les droits de ses compositions, Robidoux a appelé son ami Pierre pour lui dire qu'il était prêt à enregistrer son propre album. De Paris, Lapointe a donné un coup de fil au directeur artistique du label Audiogram qui a aussitôt appelé Robidoux pour lui fixer un rendez-vous.

« Quand Pierre Lapointe prend le téléphone, il se passe de quoi. C'est comme le parrain », dit Robidoux en riant.

Un album pas comme les autres

Robidoux premier est vraiment un album pas comme les autres. On y entend des chansons archiconnues dont il a composé les musiques - Le chat du café des artistes deux fois plutôt qu'une, par Lapointe puis Ariane Moffatt, ainsi que Le petit roi et Je rêve à Rio -, mais aussi des choses inédites comme Le dernier chemin - un adieu à son ami Jean-Guy Moreau - ou encore Petit ange blond, la seule chanson qui n'est pas de Michel Robidoux mais de ses parents qui la lui chantaient quand il avait 3 ans.

Plus encore, celui qui donne son nom à l'album ne joue carrément pas sur quatre des 12 chansons. C'est son choix.

« Pour moi, c'était une occasion de partager avec des artistes que j'aime, qui me font triper au boutte. »

En plus des Catherine Major, Pierre Flynn, Alex Nevsky, Bïa et autres Daniel Bélanger, dont il compare les cadeaux à des feux d'artifice, il a fait appel à la chanteuse de jazz Marie-Noël Claveau, qui a consacré un album entier à son père Fernand.

Michel Robidoux a bien hâte de voir quel accueil sera réservé à son premier album.

« À la lumière des premières réactions, j'ai l'impression que le grand public va être intéressé. Je touche du bois », dit celui qui, avec les quelque 300 chansons qu'il a composées au fil des ans, aurait l'embarras du choix s'il était question d'un deuxième album.

Et puis - qui sait ? -, ce Robidoux premier pourrait donner lieu à un concert-événement pas ordinaire aux FrancoFolies ou au Festival d'été de Québec...

« C'est sûr qu'il en est question, répond-il. C'est sur la table, les Francos. Et puis, je pourrais avoir d'autres invités comme Charlebois ou Jean-Pierre [Ferland]. On a le droit de faire de la pensée positive. »

Surtout quand, contre toute attente, on lance son premier album à 73 ans.

Quatre chansons commentées

Je rêve à Rio

« Ma première vraie composition musicale, à 19 ans. C'était une bossa nova, exactement le tempo qu'on a fait avec Bïa. Avec Robert [Charlebois], elle était samba à la planche ! On voulait que Bïa la chante en portugais, mais Robert a mis son veto : "Je la veux en français." »

Le petit roi

« Les arrangeurs de l'album Jaune, Buddy Fasano et Art Phillips, ont fait une job du tonnerre, mais je voulais entendre Le petit roi comme je l'avais composée et je l'ai chantée à Pierre Flynn comme on l'a faite en 1970. Non seulement [le réalisateur] Philippe Brault a gardé l'intro un peu vocale d'origine, mais, dans la reprise, entre les couplets, il la fait jouer par une trompette et c'est vachement Beatles. »

La bagomane

« Luc Plamondon et moi, on l'a faite pour Renée Claude. Quand je l'ai proposée à Ariane Moffatt, je lui ai dit : "C'est flyé comme texte, ça commence par 'Nous avons fait l'amour ensemble 84 fois' et je t'entends chanter ça avec Pierre Lapointe." Tout de suite, elle a répondu : "Au moins 84 fois !" Sa bagomane est vraiment borderline, elle frôle le délire. »

Je ne partirai pas

« Quand j'ai signé le contrat chez Audiogram, je voulais que Michel Bélanger soit là pour lui en chanter un petit bout a cappella et lui demander s'il pensait que [son frère] Daniel pourrait la chanter. Philippe Brault l'a envoyée à Daniel et, une heure plus tard, il nous retournait un MP3 avec sa voix par-dessus la mienne. On l'a enregistrée en deux prises. C'était tellement smooth que je me pinçais. »

Robidoux premier, Michel Robidoux, Audiogram

Image fournie par Audiogram

Robidoux premier