Pour la première fois depuis 1984, l'Orchestre symphonique de Boston (BSO) renouait samedi avec le public montréalais. Pour ces délicieuses retrouvailles, les mélomanes avaient rempli à capacité la Maison symphonique, conscients qu'il s'agissait là d'un des plus importants rendez-vous de l'année avec l'un des plus prestigieux orchestres symphoniques sur ce continent, orchestre du fameux « Big Five » états-unien sous la direction d'Andris Nelsons.

Particulièrement dans l'exécution de la Symphonique fantastique d'Hector Berlioz, en deuxième partie de programme, le musicien letton de 38 ans a fait honneur à sa réputation, soit l'un des meilleurs jeunes maestros de la planète classique, désormais une vedette de l'incontournable label Deutsche Grammophon et l'un des héritiers esthétiques du grand Mariss Jansons qui a déjà ébloui les Montréalais, notamment l'an dernier.

Ce fut d'abord l'occasion d'apprécier le jeu suave du grand pianiste américain (d'adoption) Emanuel Ax, réputé entre autres spécialités pour son interprétation du Concerto pour piano no22 en mi bémol majeur de Mozart - notamment aux côtés du New York Philharmonic

Les musiciens et fins connaisseurs auront peut-être repéré quelques légers irritants dans cette exécution. Ils ont peut-être convenu à une trop grande sobriété dans le soutien orchestral d'un concero mozartien. Ils ont peut-être pu convenir au contraire qu'il s'agissait là d'un choix esthétique dont l'objet essentiel était de servir le magnifique soliste qu'est Emanuel Ax, qui s'est illustré dans le lyrisme mélodique du premier et du troisième mouvement, alors que le BSO en a fait autant dans les variations de l'andante.

Le pianiste offrira en rappel un nocturne de Chopin, inutile d'ajouter que l'auditoire aura été comblé par sa générosité.

Après l'entracte, ce sera le plat de résistance, exécution magistrale des cinq mouvements de la Symphonie fantastique (Rêveries/passions; Un bal. Valse; Scène aux champs; Marche au supplice; Singe d'une nuit de sabbat), dont on sait qu'elle fut inspirée d'une grave maladie d'amour de son compositeur pour l'actrice irlandaise Harriet Smithson. 

Ainsi, cette obsession sentimentale fut le catalyseur d'un chapitre important de l'écriture symphonique, de surcroît un chef d'oeuvre du 19e siècle, nous en avons eu samedi la démonstration éclatante pour employer un euphémisme. Andris Nelsons et le BSO en donnèrent la pleine mesure, bien au-delà de ses parties les plus évidentes, telle la mélodie du deuxième mouvement. 

Sensible à la grande musique française si on connaît le parcours historique de l'OSM, le public montréalais a pu goûter à une autre approche, celle d'un orchestre symphonique américain dont cette part importante du répertoire classique est aussi une composante de l'identité. 

La direction à la fois passionnée et rigoureuse du maestro, sa gestuelle spéciale (dos voûté et jambes arquées en distribuant les consignes!) et sa compétence plus qu'évidente ont insufflé une énergie remarquable à cet orchestre dont on a réalisé la stature. On se souviendra de la précision de cette interprétation, de ses éclats, de l'intelligibilité de chaque section de l'orchestre, de la richesse  des sonorités, de la cohésion, des couleurs magnifiques émanant des hautbois, tubas, trombones, et tant d'autres éléments probants pour faire en sorte que cette exécution soit plus que concluante.

Visiblement, ravis d'être là pour une première fois chez nous Andris Nelsons et ses musiciens ont offert en prime aux mélomanes un merveilleux entracte de l'opéra Carmen de Bizet et... tous se sont souhaités que la prochaine escale montréalaise du BSO n'ait pas lieu dans trois décennies.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE BOSTON, Chef d'orchestre : Andris Nelsons. Soliste : Emanuel Ax, pianiste.

Programme : Concerto pour piano no 22 en mi bémol majeur, K. 482 (1785)- Wolfgang Amadeus Mozart; Symphonie fantastique, op. 14 (1830) - Hector  Berlioz