Comment rendre concomitants l'univers de la surdouée Barbara, incontournable de la chanson française, et celui de la Libanaise Fairouz, que plusieurs considèrent comme la plus grande interprète vivante du Moyen Orient ? Comment peut-on faire dialoguer ces styles distincts, voire très différents d'entrée de jeu?

La Tunisienne Dorsaf Hamdani a des arguments pour y parvenir et nous en propose l'éloquente démonstration. 

« Le spectacle Barbara Fairouz a pour objet de faire dialoguer deux personnages de la chanson orientale et française. Je voulais identifier leurs points communs, j'avais envie qu'elles se parlent. C'était aussi le désir de construire un pont entre les cultures française et arabe »,  pose-t-elle, jointe cette semaine à son domicile parisien.

Dorsaf Hamdani a fait des études avancées dans les domaines qui la servent aujourd'hui. Musicologue de formation, elle fut formée d'abord à Tunis avant de devenir doctorante à la Sorbonne tout en faisant évoluer son propre chant.  Depuis de nombreuses années, donc, elle fait la navette entre Tunis et Paris.

« J'ai donné beaucoup de concerts pendant que j'étudiais en France. J'y ai croisé des musiciens de partout, j'y ai ouvert mes horizons en m'imprégnant de cultures française, indienne, arabe, espagnole, plus encore. Ça m'a incitée à aller vers l'Autre tout en restant moi-même. »

Considérée aujourd'hui comme l'une des plus belles voix de Tunisie, Dorsaf Hamdani témoigne d'une maîtrise certaine des musiques classiques arabe ou persane mais aussi de ses réformes modernes menées depuis le siècle précédent. Elle a puisé dans les répertoire des divas arabes Oum Kalthoum, Asmahan et Warda al-Jazairia, ou encore dans la poésie d'Omar Khayyam en plus de fréquenter les extases du chant soufi.

Elle enseignait en Afrique du Nord lorsqu'elle donna naissance à Barbara Fairouz, un spectacle soutenu par l'Institut français de Tunis.

« Je connais Fairouz depuis toute petite, je travaille son répertoire depuis plusieurs années. Barbara, je ne connaissais pas tant que ça au départ de ce projet et, comme je suis de nature curieuse et que j'aime les défis artistiques, j'ai plongé dans son monde », raconte Hamdani. 

Dès le début de ce projet, notre interviewée fut frappée par les points communs entre Fairouz et Barbara.

« J'ai trouvé les mêmes émotions et sensibilités chez l'une que chez l'autre. Notamment dans la beauté et la profondeur des textes chantés dans des langues différentes. Or, l'idée n'était pas de montrer qu'elles étaient similaires, mais bien qu'elles pouvaient dialoguer ensemble, que leurs couleurs respectives pouvaient se mélanger et ainsi en faire apparaître une autre. » 

Dorsaf Hamdani et ses musiciens ont fait en sorte que les fastes orchestrations de Fairouz soient repensées pour une petite formation et donc que les chansons des frères Rahbani (qui écrivaient, composaient et arrangeaient pour la chanteuse) puissent jouir d'un accompagnement de quatre musiciens sous la direction de l'excellent accordéoniste français Daniel Mille - déjà venu au Festival international de jazz de Montréal.  La charpente de ces chansons, ont-ils observé, pouvait sans problème voisiner l'édifice de Barbara. 

« Nous avons refait autrement, explique Hamdani, quitte à  omettre certaines orchestrations connues sans défigurer pour autant, en nous limitant aux instruments suivants : accordéon, accordina, oud, guitare,violon, alto, percussions. Nous avons conservé le squelette de chaque chanson, pour ensuite imaginer quelque chose de frais. Pour ce, Daniel Mille m'a énormément apporté à la direction musicale. » 

Plus précisément, le défi était d'insuffler à Barbara un soupçon d'Orient, et d'attirer Fairouz un tantinet à l'Ouest - processus entrepris à l'époque par les frères Rahbani, faut-il le rappeler.

« Nous avons ramené Barbara vers Fairouz et inversement. Nous avons baigné leurs répertoires dans une même sensibilité artistique. » 

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Au National, 20h, dimanche, Barbara Fairouz sera présenté en clôture du Festival du Monde Arabe. Dorsaf Hamdani, chant, Daniel Mille, direction musicale et accordéon, Lucien Zerrad, arrangements, guitare et oud, Zied Zouari, violon et alto, Phyras Haddad, percussions et oud.