«Cela ne sert à rien d'avoir peur», estime Marianne Faithfull, qui fera partie des premiers artistes à chanter dans la salle parisienne du Bataclan à sa réouverture en novembre, un an après les pires attentats jihadistes jamais commis en France.

À 69 ans, l'Anglaise à la voix éraillée et brumeuse, icône de la scène rock des années 60, se dit «honorée» d'avoir été sollicitée pour faire partie de ceux qui redonneront vie au Bataclan.

La salle doit rouvrir à la mi-novembre avec deux concerts du Britannique Pete Doherty.

Le 25 novembre, Marianne Faithfull y interprétera pour la première fois They Come at Night, une chanson qu'elle a écrite juste après l'attentat du 13 novembre 2015, qui a fait 90 morts lors du concert des Eagles of Death Metal.

Écrire ce texte, «c'est la seule chose que je pouvais faire» après cet événement, raconte la sexagénaire, qui vit entre Paris et l'Irlande. «J'étais absolument horrifiée».

«Je ne pensais pas du tout à chanter au Bataclan. On me l'a demandé et j'ai été très contente», poursuit l'artiste, en recevant l'AFP dans son appartement parisien où elle écrit la plupart de ses chansons.

Lors de son concert, elle «ne dira rien à propos de cette nuit-là», qui a également vu 40 personnes tuées à des terrasses de bar, de restaurant et près d'un stade de foot. Mais «le fait que je fasse le concert et que j'aie écrit la chanson parlent d'eux-mêmes», glisse-t-elle, une cigarette à la main et une tasse de thé posée devant elle.

Pour cette figure mythique du «Swinging London», se produire dans la salle du Bataclan «qu'elle adore» - où elle a déjà chanté - sera aussi une manière de rendre hommage à tous ceux qui ont vécu le 13 novembre, «les victimes mais aussi ceux qui n'ont pas été tués» et ont été «complètement traumatisés».

«La musique peut panser les plaies, c'est pour cela que chanter au Bataclan est une bonne chose», dit-elle.

L'interprète de «Broken English» reconnaît appréhender «un peu» cette date. Mais «cela ne sert à rien d'avoir peur», ajoute-t-elle. «Je ne pense pas que ça se reproduira. Et si ça se reproduit, ça se reproduit. Qu'est-ce qu'on peut y faire?».

Multiples résurrections

Avant ce concert, la chanteuse, qui sort de deux années difficiles marquées par des fractures de la hanche et infection des os, a sorti vendredi un nouvel album live, No Exit, dont le titre est emprunté à la traduction anglaise de Huis clos de Jean-Paul Sartre.

Il a été enregistré pendant sa tournée européenne entamée fin 2014 pour marquer ses 50 ans de carrière. Tournée interrompue début 2015 pour une opération de la hanche.

Repérée en 1964 par le gérant des Rolling Stones, Marianne Faithfull avait été propulsée à 17 ans grâce à la chanson As Tears Go By, signée Richards/Jagger.

À l'époque, «je pensais retourner à l'école (...) Et puis j'ai été prise dans la musique, et j'avais du succès. J'ai découvert que j'aimais être sur scène», se souvient-elle. «Mais ce n'est pas du tout comme ça que j'avais imaginé ma vie».

Artiste aux multiples résurrections, à la vie très «sexe, drogue et rock'n'roll», marquée par les excès, les addictions et un cancer, elle assure «souffrir constamment» encore aujourd'hui et «être très abîmée».

Elle ne peut plus «voyager hors d'Europe» ni «faire de tournées». Mais «je peux toujours écrire, faire des disques, donner des concerts occasionnels», explique-t-elle de sa voix de fumeuse.

Elle prépare un nouvel album pour l'an prochain, qui devrait s'appeler Negative Capability. Au programme, des chansons écrites par ses soins et des collaborations - dont une peut-être avec Nick Cave et une autre possible avec le leader de Blur Damon Albarn.

«Je ne peux pas continuer comme avant. Mais je n'arrêterai pas complètement», conclut-elle.