Sous un soleil radieux d'après-midi, une petite file s'étirait devant l'amphithéâtre Cogeco presque flambant neuf, érigé au confluent du fleuve Saint-Laurent et de la rivière Saint-Maurice.

La salle de spectacle de l'avenue des Draveurs se préparait à héberger Céline Dion pour deux soirs, à l'occasion de concerts-bénéfices au profit de sa fondation.

Parmi les irréductibles, Julie Savard et Jade Thériault étaient arrivées les premières. «On est d'abord venues à 3 h 30 du matin, mais comme il n'y avait personne, on est retournées dormir pour revenir vers 8 h», raconte la première, qui espère que la star interprétera The Power of Love, sa chanson favorite. «Si je me marie un jour, ça sera ça, ma toune!», a-t-elle assuré.

Sur place, l'ambiance était bon enfant. Quelques hommes se faufilaient parmi la majorité d'admiratrices. Des gens érigeaient entre eux le palmarès du nombre de fois qu'ils avaient vu Céline sur scène. D'autres espéraient qu'elle chante le hit du Titanic, même si ça semblait aussi écrit dans le ciel que le retour du hockey à l'automne.

Même s'ils avaient des billets pour le concert de mercredi, France Richard et son conjoint étaient venus faire un tour de vélo pour tâter l'ambiance. «On a vu un gros jet pendant notre randonnée, on lui a envoyé la main au cas où c'était Céline!», a lancé la cycliste, annonçant avec certitude son intention de verser des larmes, entre autres durant la nouvelle reprise d'Ordinaire de Charlebois.

Un peu plus loin, une trentaine de personnes croisaient fébrilement les doigts près d'une clôture sur laquelle on pouvait lire: «Entrée des artistes».

«Je suis un fan fini d'elle depuis l'âge de 12 ans. Dès que j'ai entendu I'm Alive, j'ai capoté», affirme Lucas Awashish.

Enceinte de quatre mois, une jeune femme s'apprêtait à voir Céline pour la première fois. Un rêve d'enfance. «Il va vivre ça avec moi», a-t-elle souligné en caressant son ventre.

Vers 14 h 30, un responsable de la sécurité a harangué le comité d'accueil: «Guys, on a peut-être une bonne nouvelle!», a-t-il lancé, en invitant les gens à se placer en rang, deux par deux. «Ça se peut qu'elle débarque et jase 10 minutes avec vous, mais aussi qu'elle passe tout droit parce qu'elle doit se préparer», a averti le responsable de la sécurité, réduisant de quelques décibels les clameurs ambiantes.

Coursier (runner) pour l'amphithéâtre, Yves Boucher doit de son côté veiller aux caprices des vedettes de passage. «Je suis stand-by. Si Céline a besoin de faire réparer une chaussure, c'est moi qui y vais», a expliqué l'homme, qui est déjà allé chercher des cigares cubains sur le boulevard des Forges pour les gars de ZZ Top. M. Boucher s'est dit impressionné par la logistique entourant le concert de la diva de Charlemagne. «C'est big. C'est rodé au quart de tour!», a-t-il reconnu.

«Vingt minutes!», beuglait au même moment un agent de sécurité à la petite foule qui piaffait d'impatience. Quelques personnes fouillaient dans leur sac pour trouver des bouts de papier et des stylos. Les pages de notre calepin se sont aussi fait mettre à sac. Une admiratrice tenait son téléphone dans les airs, avec lequel elle faisait jouer la chanson On ne change pas. La foule fredonnait, pendant qu'un journaliste de la télévision faisait son travail.

«Qu'est-ce que vous allez dire à Céline?, a-t-il demandé.

 - Qu'on l'aiiiiimmmme», ont répondu d'une voix plusieurs fidèles.

Un agent de sécurité baraqué avec des lunettes balistiques comme s'il était dans les unités spéciales est alors débarqué sur place. La frénésie a grimpé d'un cran.

Puis, au bout de l'avenue, les gyrophares d'une voiture de police étaient enfin visibles. À l'arrière d'un gros VUS noir, la chanteuse la plus célèbre de la planète a distribué quelques becs soufflés par la fenêtre à demi-ouverte, avant de disparaître en quelques secondes dans le stationnement de l'amphithéâtre.

«Céline! Céline!», scandait la petite foule, un peu déçue mais tout de même heureuse de l'avoir vue en vrai de vrai.

Photo Sylvain Mayer, Le Nouvelliste

Les 9000 sièges de l'amphithéâtre Cogeco étaient occupés, hier soir.

«C'est pas un non!»

Si Céline a décidé de faire un arrêt à mi-chemin entre Montréal et Québec, c'est grâce aux efforts de persuasion d'Alain Lamarre, PDG de la firme montréalaise ALBG communication. Lui et le directeur général de la Corporation des évènements de Trois-Rivières, Steve Dubé, caressaient depuis 2008 le projet d'attirer Céline pour un concert-bénéfice. «J'ai appelé Aldo, le gérant de Céline, en novembre pour lui proposer. Il a dit qu'il allait me rappeler. J'ai aussitôt appelé Steve pour lui dire: c'est pas un non!»

Les choses ont ensuite suivi leur cours, jusqu'à la signature de l'entente, en avril.

Les deux hommes sont fiers de ce coup de circuit, mais aussi de présenter un spectacle identique à ceux donnés à Québec et à Montréal, même si la capacité de l'amphithéâtre Cogeco est d'environ 9000 places. «On sera pour la première fois à pleine capacité, mais ça risque quand même d'être intime», s'enthousiasme M. Dubé.

Un spectacle intime dans un décor enchanteur. Les gens partaient du centre-ville pour se rendre à l'amphithéâtre en empruntant la mignonne rue des Ursulines, qui longe le fleuve.

Sur place, les pare-intempéries protégeaient les spectateurs du crachin qui dégoulinait du ciel noir. Seuls les spectateurs sur la partie gazonnée de l'amphithéâtre recevaient quelques gouttes. Les prévoyants avaient apporté imperméables et parapluies.

Un peu avant 20 h, la foule, docile, se préparait à accueillir André-Philippe Gagnon, qui assure la première partie de sa tournée québécoise.

Les caméras de télévision qui balayaient sporadiquement la foule généraient quelques cris stridents.

Après avoir réchauffé la foule (ça riait quand même fort) avec une revue musicale allant d'Elvis à Yoan, André-Philippe Gagnon a cédé les planches à Céline.

Des applaudissements spontanés ont surgi de toutes parts tout juste avant que les lumières ne s'éteignent, à 21 h.

La foule s'est levée d'un bond lorsque la chanteuse est apparue sur scène interprétant Encore un soir, la chanson-titre de son nouvel album. Tout sourire, elle a louangé la beauté de l'amphithéâtre et fait part de son bonheur d'y terminer sa tournée. «Je dédie ce spectacle à tous les bénévoles qui donnent la chose la plus précieuse qui soit: du temps!», a lancé Céline à son public déjà conquis, lorsqu'ont résonné les premières notes du classique Pour que tu m'aimes encore.

Même si les gens demeuraient sagement assis pendant les pièces, les millions d'«on t'aime Céline!» qui fusaient de partout à tout moment ne laissaient planer aucun doute sur l'histoire d'amour qui perdure entre la chanteuse et son public québécois.

Au moment d'envoyer ces lignes, Céline y allait de sa version aseptisée d'Ordinaire.

Le passage de Charlebois sur les critiques - «ces ratés sympathiques» - a été remplacé par «quand je chante, c'est pour le public».

Décidément, ce n'est pas évident de ne pas aimer Céline Dion.

Photo Sylvain Mayer, Le Nouvelliste

Avant l'entrée en scène de Céline Dion, André-Philippe Gagnon a fait rire la foule avec une revue musicale allant d'Elvis à Yoan.