Elles tonnent ou pépient sur scène pour combler nos oreilles. Mais certaines ont plus que des notes à partager: nous vous présentons cinq guitares de musiciens québécois sortant de l'ordinaire ou ayant une histoire particulière à livrer.

Loin d'être un modèle de collection à la valeur exorbitante, la guitare qui a accompagné les dernières années de Dédé Fortin jouit néanmoins d'un privilège que bon nombre d'instruments luxueux lui envieraient: elle est exposée au Musée de la civilisation de Québec depuis 2015.

Cette réédition de Fender Telecaster Thinline 72, fabriquée entre 1994 et 1995 au Japon, se dresse comme un symbole de l'âme tourmentée de son ancien propriétaire. Elle en porte même les stigmates: râpée sur divers endroits du corps, elle exhibe également une large brûlure sur la tête, réminiscence de cigarettes qui s'y consumaient lorsque Dédé jouait.

Le leader des Colocs, qui possédait peu de guitares, en avait fait son accompagnatrice de prédilection dès 1995, un choix fort adapté à son style. «Il aimait particulièrement le rockabilly, le swing, le reggae, donc il aimait les sons de guitares edge comme la Thinline, pour tenir la rythmique», confie l'ex-batteur du groupe Jimmy Bourgoing.

Dédé affichait toutefois une certaine nonchalance à son égard.

«À chaque fin de spectacle, sur la dernière note, il lançait sa guitare vers les coulisses, où Carlos Camacho, technicien aux instruments des Colocs, la rattrapait», rapporte Philippe Meilleur, auteur d'une biographie de Dédé Fortin.

«Elle a beaucoup volé dans les airs, se souvient M. Camacho. Une fois, il faisait complètement noir, et la guitare est apparue comme par magie dans mes mains.»

Fatalement, elle finira un jour par chuter - en l'absence du technicien -, ce qui n'entraînera, par miracle, qu'un dégât mineur; une simple mécanique (clé servant à l'accordage) cassée.

Petite soeur de feu



Aujourd'hui, la Fender ne plane plus, sagement exposée au musée. «Il y a eu des offres pour l'acheter, que nous avons refusées», raconte l'un des frères de Dédé, Réal Fortin, qui gère sa succession. «L'an passé, le Musée de la civilisation nous a convaincus de l'offrir, pour des raisons patrimoniales.»

Dans la vitrine, aux côtés de l'élégante Telecaster, se profile une deuxième silhouette: celle de la «guitare de feu», une acoustique que Dédé trimballait partout, lors de visites en famille ou chez des amis, et sur laquelle il composait. Cette petite soeur, dont la marque et le modèle sont inconnus, n'a pas non plus été épargnée. «Elle est tellement maganée et croche qu'un luthier nous a dit qu'elle était irrécupérable», signale Réal Fortin.

Irrécupérable, à l'image du musicien qui la jouait, diront certains, non sans amertume.

Carte d'identité

Réédition Fender Telecaster Thinline f-hole '72 (Japon)

Où la voir? 

- Au Musée de la civilisation de Québec

- Dans la plupart des vidéos de spectacle des Colocs après 1995

Où l'écouter?



- Sur les albums Atrocetomique (1995) et Dehors Novembre (1998)

PHOTO JULIEN AUGER, FOURNIE PAR LE MUSÉE DE LA CIVILISATION

La Fender Telecaster Thinline 72 de Dédé Fortin est présentée au Musée de la civilisation du Québec dans le cadre de l’exposition Le temps des Québécois.